
Paris, 1840. Deux employés de bureau se lient d’amitié. À la faveur d’un héritage, ils quittent leurs vies étriquées pour s’installer à la campagne. Pris par une frénésie d’apprendre, ils dévorent encyclopédies et manuels et mettent en pratique leurs nouvelles connaissances avec un enthousiasme naïf. Agriculture, sciences, arts, politique, religion, tous les domaines y passent, entraînant des fiascos désopilants.
Marc Chouppart et Jean-Paul Farré conjuguent leurs talents de duettistes pour nous livrer une version fidèle autant que clownesque de la dernière œuvre de Flaubert. Voici un plaisant manuel de sciences absurdes qui offre une alternative bienvenue à l’intelligence artificielle !
Adaptation Marc CHOUPPART et Géraud BÉNECH
Avec Jean-Paul FARRÉ et Marc CHOUPPART
Mise en scène, création lumière et son Géraud BÉNECH
Avec la complicité de Cathy CASTELBON
Voix : Stanislas DE LA TOUSCHE
Lumière : Dorian MJAHED-LUCAS
Photographies : Sébastien TOUBON

Un véritable ovni que ce spectacle. Il faut rendre grâce aux adaptateurs Marc CHOUPPART et Géraud BÉNECH d’avoir relevé le défi d’adapter le roman posthume de Flaubert Bouvard et Pécuchet.
Se pencher sur cette œuvre relève du casse-tête. A travers les portraits de deux copistes rêvant de plonger dans l’immense gouffre que représente le savoir humain laissé à la disposition de quiconque et donc même « des imbéciles », Flaubert entendait pourfendre la bêtise de ses contemporains .
Flaubert se serait certainement arraché les cheveux avec l’I.A. l’intelligence artificielle ! En guise de documentation Flaubert aurait lu plus de 1500 livres !
Les connaissances à portée de main grâce aux encyclopédies et aujourd’hui grâce à internet. Bouvard et Pécuchet sont des autodidactes et ne possèdent pas, semble t-il, l’esprit critique permettant de s’y retrouver dans les disciplines qu’ils croient pouvoir exercer après quelques lectures mal digérées et mal comprises. Plus que la bêtise, c’est l’incompétence qui les distingue. Et c’est ce qui les rend comiques.
Une soif inextinguible de savoir ! Comment ne pas être saisi de vertige, aujourd’hui même, en réalisant qu’une seule vie ne peut suffire à embrasser la somme des savoirs accumulés par l’homo sapiens. Un individu d’intelligence moyenne, à taille humaine, devient minuscule face à une montagne de sciences qui le dépasse et fait penser à une tour de Babel.
Il serait présomptueux de croire qu’en 1 H 15, la durée du spectacle, nous avons compris le dessein de Flaubert à propos de Bouvard et Pécuchet . Mais il semble bien que l’adaptation formidable de Marc CHOUPPART et Géraud BÉNECH en ait saisi l’esprit.
Certes Flaubert est sans pitié pour ses personnages qu’il ridiculise mais au fil du temps (des correspondances l’attestent) , Flaubert s’attache à eux et se reconnait en eux. Dès lors Bouvard et Pécuchet apparait comme l’œuvre ultime de Flaubert et c’est toute sa tendresse pour l’humaine condition qui paradoxalement se fait jour et nous émeut.
Quel curieux destin que celui de ce livre qui occupa de nombreuses années son auteur lequel mourut à la tâche. Publié un an après sa mort en 1881, il fut très mal accueilli par la critique. Cette adaptation nous offre sa substantifique moelle grâce évidemment à la superbe des deux comédiens Jean-Paul FARRE et Marc CHOUPPART aussi excellents et drôles que les duettistes des Grands enfants (Emission de télévision culte de Maritie et Gilbert CARPENTIER des années 1967 à 1970) . Au fond, Bouvard et Pécuchet ne sont-ils pas des grands enfants et c’est leur bêtise qui les rend humains. Des cons qui s’émerveillent, il fallait y penser !
Evelyne Trân
Le 25 Décembre 2025