
Crédit photo : © Mammar Benranou
Texte : Jon Fosse
Traduction : Terje Sinding
Mise en scène et scénographie : Daniel Jeanneteau et Mammar Benranou
Création lumière : Juliette Besançon
Musique : Olivier Pasquet
Costumes : Olga Karpinsky
Construction décor : Théo Jouffroy – Ateliers du Théâtre de Gennevilliers
Assistanat à la mise en scène stagiaire : Juliette Carnat –
Remerciements : Marianne Ségol-Samoy
Avec :
Solène Arbel
Yann Boudaud
Dominique Reymond
Sommes-nous rentrés dans un tableau, style Hopper ou autre ? Extrêmement étrange cette sensation si l’on se dit que nous pourrons y revenir. Faut-il que la sensation s’installe dans notre esprit ? Mieux vaut ne pas y penser. Jon FOSSE dans un entretien avec Vincent Rafis parle de la nécessité d’écrire et au fond l’on ressent que sa démarche n’est pas intellectuelle.
C’est à une expérience sensible qui mobilise la mémoire et qui en fouille les remblais à laquelle nous convient Jon FOSSE et les metteurs en scène Daniel JEANNETEAU et Mammar BENRANOU.
C’est à la fois terrible et beau. Il y a toute sorte de petits clignotants qui se mettent place dans l’imaginaire pendant que la principale protagoniste arpente une pièce à l’ameublement réduit au strict minimum, sans émotion et fantaisie quelconque.
La femme parle de ses liens avec les objets mais en vérité la seule obsession qui la ronge c’est l’être aimé dont elle est séparée et qu’elle attend désespérément.
Est-ce vraiment du désespoir ? Sommes-nous dans l’antichambre de la mort à tel point que nous pourrions nous remémorer La mort des amants de Baudelaire ? La femme nous parait aussi démunie, habillée sommairement. Comment ne pas porter nos regards sur ses mules, sa coiffure, sa silhouette, sa démarche ? Car elle existe ! Mais elle tourne tellement en rond que nous serions tentés d’entrer dans sa ronde. Il faut l’entendre rire comme si elle se moquait d’elle-même.
La douleur est répétitive parce qu’elle ne lâche pas la femme qui converse avec elle. Elle est une ombre. Et les ombres est-il possible de les enjamber ?

©Photo Jean-Louis FERNANDEZ
A un moment donné, l’homme aimé réapparait et il n’a pas l’air bien. S’agit-il d’une apparition ou d’une réalité dure comme fer ?
Dans la pièce, le concret se manifeste au moment où la femme fait tomber un verre de vin qui se renverse et se casse. Nous revenons à la réalité : Zut, il ne faut pas qu’elle se blesse.
Il y a cela de rassurant de se dire que les vivants qui ont du mal à manifester leur existence parce qu’ils sont noyés dans la profusion des signes plus clinquants les uns que les autres, quand ils atteignent la dimension de fantômes dans l’imaginaire nous bouleversent.
C’est la pensée qui tisse les images. Il y a des fils invisibles qui font se croiser, dans le même temps, des êtres qui ne se voient pas. Ainsi, l’homme aimé réapparait accompagné d’une autre femme alors que la sienne est toujours là mais ils ne la perçoivent pas.
L’épreuve de l’invisibilité est cruelle mais nous y sommes confrontés tous les jours et nous y participons malgré nous.
Mais nous public nous voyons chacun des protagonistes, nous avons cette chance et nous nous en souviendrons !
Comme dans un tableau Dominique REYMOND déambule, elle nous fait des signes, elle incarne la pensée d’une femme blessée qui glisse comme un feuille d’automne spectaculaire ! Ses partenaires sont dans la même note si peu commune . Une sonate d’automne douce et poignante.
La mise en scène qui repousse les murs de l’invisible est particulièrement fabuleuse.
Evelyne Trân
Le 24 Septembre 2025