
https://www.youtube.com/watch?v=npL-DIFAcNQ
Adaptation de Jean-Luc Giorno
Mise en scène : Yves Patrick Grima
Avec : Giorno Jean-Luc, Giorno Nicole
Création lumière : Ghislain Grima
Un bouquiniste suscite l’admiration de la Vienne du début du XXème siècle par l’immensité de son savoir. La guerre de 14-18 va bouleverser son destin. Vienne du début du siècle, il n’est pas un bibliophile qui ne connaisse Jakob Mendel, catalogue vivant de l’ensemble du savoir imprimé. Monomaniaque à la mémoire prodigieuse, affreusement peu doué en affaires, il est affligé d’une boulimie bibliographique qui fait de lui un homme précieux. Mais la guerre va plonger cet homme pacifiste dans une cruelle violence et une absurdité désespérante.
Le bouquiniste Mendel n’est pas la nouvelle la plus connue de ZWEIG. Elle revêt un caractère intime assez particulier dont le message est toujours actuel. Il y est question d’un homme en marge de la société, un ressortissant Russe atterri à Vienne pour étudier en vue de devenir rabbin mais « ayant délaissé le Dieu unique Jéhovah pour le polythéisme séduisant des livres ».
Le narrateur de la nouvelle est un homme d’un certain âge qui se souvient avec grande émotion du bouquiniste Jakob Mendel qu’il avait rencontré lorsqu’il était étudiant dans un café de Vienne, le café Gluck où Mendel officiait en tant que bibliophile, bibliographe.
Nous avons tous éprouvé cet étrange sentiment de nostalgie en revenant sur des lieux du passé. Que de choses ont pu changer dans un même lieu en trente ou vingt ans. » A quoi bon vivre si le vent emporte derrière nos talons la dernière trace de notre passage ? » s’émeut le narrateur. Mais sa mémoire lui permet d’exalter le souvenir de Mendel qui physiquement a disparu.
Cet homme admiré et respecté pour son savoir bibliographique monumental connut une triste fin. Arrêté pendant la grande guerre, accusé d’espionnage parce qu’il correspondait avec des libraires Français et Anglais, il croupit en prison.
Le pauvre homme totalement absorbé par sa passion ne s’était pas rendu compte que la guerre avait éclaté… En prison, tout son univers s’effondra de sorte que lorsqu’il retrouva le Café Gluck, il n’était plus le même homme, et sa mémoire encyclopédique s’était éteinte. Chassé par les nouveaux propriétaires, devenu sans ressources, il perdit la tête et mourut.
Le récit en lui-même peut frapper les esprits. Mais c’est la manière d’exposer l’histoire qui retient l’attention, Sweig prend un soin particulier pour décrire le personnage comme s’il entendait lui rendre justice.
A travers l’histoire de Mendel, il dénonce la bêtise humaine et la guerre destructrice et aveugle. Mendel fait partie des espèces en voie de disparition. Il ne faisait de mal à personne, c’était juste un phénomène, un bouquiniste qui adorait son métier mais ne rentrait pas dans les cases de la société.
Faut-il que la société manque à ce point d’humanité pour tuer un homme qui n’entendait donner que le meilleur de lui-même, s’exclame en quelque sorte Zweig. Cette humanité à laquelle il veut encore croire, il l’exprime à travers, un témoin de la vie de Mendel, le personnage d’une vieille femme Madame Sporschil, la femme des lavabos du café Gluck.
Oui, le récit de Zweig est envoûtant. En une heure de temps, le public est transporté ailleurs. Oui, l’on croit vraiment avoir sous les yeux ce fameux Jakob Mendel « ce petit juif de Galicie ».
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un texte théâtral, la présence de Jean-Luc GIORNO et de Nicole GIORNO complètement habités par le récit de Zweig , apporte cette touche théâtrale qui élance l’imaginaire du public. La mise en scène très dépouillée d’Yves Patrick GRIMA s’y prête avec délicatesse.
Jean-Luc GIORNO joue plusieurs personnages et excelle dans celui de Mendel. Et Nicole Giorno est tellement émouvante dans le rôle de Madame Sporschil si douce et si humaine.
Quand le théâtre fait revivre des espèces en voie de disparition, ce bouquiniste par exemple, oui, il faut l’applaudir à tout rompre !
Le 11 Septembre 2025
Evelyne Trân
N.B : Jean-Luc GIORNO était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio Libertaire 89.4 , le samedi 20 Septembre 2025, en podcast sur le site de Radio Libertaire et ci-dessous :
N.B : Article également publié sur le Monde Libertaire.net