
Moscou, février 1905. Quatre terroristes du Parti Socialiste Révolutionnaire préparent un attentat contre le Grand-Duc Serge, oncle du Tsar. Kaliayev, dit « le poète », tiraillé entre sa soif de justice et son respect de la vie, est chargé de lancer la bombe. Surgit un évènement inattendu qui menace de faire échouer l’attentat et qui provoque au sein du groupe un séisme existentiel… Une œuvre phare du théâtre d’Albert Camus.
Avec
Arthur CACHIA
Étienne MÉNARD
Oscar VOISIN
Marie WAUQUIER
Costumes et scénographie : Charles TEMPLON assisté de Pixie MARTIN
Création sonore : Jason DEL CAMPO
Toile peinte : Marguerite DANGUY DES DÉSERTS
Lumière : Alireza KISHIPOUR
Photos : Sébastien TOUBON
Cette pièce a été créée en 1949 quelques années après la fin de la 2ème guerre mondiale. Les contemporains ont pensé qu’il y avait similitude entre ces terroristes Russes et les résistants. De fait l’intrigue est mince, le suspense nécessaire à la dramaturgie repose sur la réussite ou non de l’attentat et le public participe à l’attente de la réalisation de cet attentat.
Albert Camus met essentiellement en scène un débat d’idées entre deux protagonistes Ivan Kaliayev et Stepan Fedorov qui vont se confronter violemment alors même qu’ils appartiennent au même groupe socialiste révolutionnaire qui a décidé l’assassinat du Grand Duc-Serge. Se greffe à ce débat d’idées, l’histoire d’amour entre Ivan Kaliayev et Dora qui donne un peu de chair à l’atmosphère de la pièce plutôt austère, ce qui ressort de l’espace scénique très dépouillé. .
Kaliayev dit Yanek est un idéaliste. Ne dit-il pas : » Mourir pour l’idée. C’est la seule façon d’être à la hauteur de l’idée ». Stepan Fedorov quant à lui peut être considéré comme un fanatique pour qui importe seule la foi en la révolution .
Camus fait dire à Dora celle qui fabrique les bombes : « Un homme est un homme ». Parce que Camus est profondément humaniste et pour lui, la fin ne justifie pas les moyens. S’il comprend Yanek et le respecte, il dénonce bien évidemment le fanatisme de Stepan.
Il demeure que le texte de Camus est toujours fort et qu’il interpelle nos propres valeurs. Camus était contre la violence mais il ne l’excluait pas.
L’équipe artistique dirigée par Maxime d’Aboville porte vaillamment cette pièce qui a le mérite d’être très claire dans ses intentions. Camus dit des Justes » La haine qui pesait sur ces âmes exceptionnelles comme une intolérable souffrance est devenue un système confortable. Raison de plus pour évoquer ces grandes ombres, leur juste révolte, leur fraternité difficile, les efforts démesurés pour se mettre en accord avec le meurtre et pour dire ainsi où est notre fidélité ».
Ce qui frappe chez ces terroristes, c’est cet idéalisme presque mystique. Songeons à ces chrétiens prêts à mourir pour Jésus-Christ . Ces Justes eux sont prêts à mourir pour la Révolution. Pour autant, ce n’est pas rien un assassinat même celui d’un despote nous dit Camus tout au long de la pièce . Le fait d’assister aux échanges des protagonistes sur l’attentat à venir ne fait-il pas du public un complice involontaire ou du moins un témoin qui aurait son mot à dire. Mais c’est du théâtre bien sûr ! C’est Camus toujours actuel !
Evelyne Trân
Le 5 Septembre 2025
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