
Avisez-vous de conter l’histoire de Macbeth. Un micro-trottoir serait de bon augure. Connaissez-vous Macbeth ? Et Shakespeare ? Soyons jeunes, allons-nous renseigner chez Wikipédia ou ChatGPT.
La vérité c’est que l’on peut très bien avoir entendu parler de Macbeth sans avoir jamais vu la pièce éponyme de Shakespeare.
Philippe NICAUD créateur ou recréateur d’atmosphères à l’ancienne – nous l’avons vu à l’œuvre dans les spectacles de l’Oncle Vania et Quai des brumes – qui connait bien le personnage pour l’avoir interprété une centaine de fois, lui offre un seul en scène ahurissant où il ne fait qu’un avec les autres protagonistes de la pièce, Lady Macbeth, le roi Duncan, l’ami Banco et surtout les trois sorcières de la destinée. La puissance du jeu de Philippe Nicaud autorise la confusion entre le conteur et Macbeth et donne à imaginer que c’est Macbeth lui-même dans une sorte de psychodrame qui fait le récit d’une tragédie :
La vie n’est qu’une ombre en marche, un pauvre acteur
Qui se pavane et se démène son heure durant sur la scène,
Et puis qu’on n’entend plus. C’est un récit
Conté par un idiot, plein de bruit et de fureur,
Et qui ne signifie rien. (Traduction Jean-Michel Déprats)
Un personnage foudroyé que celui de Macbeth, confronté à l’horreur de ses actes – la passion de l’ambition est un crime avant l’heure – Plus près de nous, on peut penser aux personnages du Parrain de Coppola qui ne cessent de s’entretuer. Macbeth est un homme qui porte sur ses épaules un immense malheur celui d’être enchainé au crime, au mal.
Quand les forces du mal personnifiées par les trois sorcières deviennent comiques sur scène c’est parce que l’on assiste au dérèglement d’un individu qui ne maitrise plus rien, qui ne se comprend plus lui-même et ne peut plus se regarder en face.
C’est ce que nous montre le dramaturge et avec lui le public dira de ce roi imposteur, paranoïaque et gagné par la folie meurtrière qu’il est un bouffon. Il va sans dire que Shakespeare s’intéresse au phénomène du mal qui assaillit la plupart de ses personnages.
Qui échapperait de toute façon aux démons que représentent la jalousie, la rancœur, le ressentiment, la frustration, l’ambition, l’orgueil etc. ? La psyché humaine est insondable et nous avons besoin d’exutoire pour démêler sinon le vrai du faux, enterrer la hache de guerre.
Philippe Nicaud nous livre un Macbeth magistralement théâtral, sous les traits aussi bien d’un slameur que d’un chanteur de rock désenchanté, ou d’un acteur bouffon coiffé d’une passoire en guise de couronne sachant aussi bien croasser : Roi, Roi, Roi que chanter la langue de Shakespeare : Tomorrow, and tomorrow, and tomorrow… et c’est spectaculaire !
Le 11 Juillet 2025
Evelyne Trân