LE DOUBLE d’après Fiodor Dostoïevski – Ciné-théâtre Du 12 au 29 juin 2025-Du jeudi au samedi à 21h Samedi et dimanche à 16h30 au Théâtre de l’Epée de Bois- Route du Champ de Manœuvre 75012 PARIS

Mise en scène, films et interprétationHenri Gruvman
À l’écranGérard Muller et Henri Gruvman
Avec les voix deDominique Verrier, Cyrille Fragnière
LumièrePhilippe Sazerat
MusiquesAlain Jomy, Thibaut Rocheron
Conseillère en mouvementsNouchka Ovtchinnikoff
RégieCharly Thicot
ProductionCompagnie Mises en Jeux

Fallait-il qu’il soit déjà bien tourmenté Dostoïevski lorsqu’il écrivit « Le Double » en 1846 . Il avait 25 ans et n’avait pas encore fait l’objet d’une arrestation qui le conduisit au bagne en 1849 jusqu’en 1854.

Cette œuvre ne rencontra aucun succès . L’intrigue n’est pas simple puisque le personnage du roman, GOLIADKINE parait fort compliqué, sa vie intérieure étant polluée par son mal être, le sentiment de son exclusion dans la société, de sorte que le lecteur a du mal à saisir le vrai et le faux dans ses récits.

Henri GRUVMAN a certainement une vision poétique du personnage qu’il interprète lui-même. Sans être tout à fait un Pierrot lunaire, Goliadkine inspire de la sympathie, c’est celui qui va être roulé dans la farine par son propre double mais surtout un homme qui réellement n’a pas sa place dans la société rigide où il évolue comme fonctionnaire et encore moins dans le milieu mondain de la femme dont il est amoureux.

Henri Gruvman pratique le ciné-théâtre comme un magicien. Le comédien qui apparait sur l’écran de la scène, alité dans une chambre à peu près nue, a toute sa place sur le plateau où se démène en chair et en os Goliadkine.

Dans le fond Henri Gruvman fait de Goliadkine un être en quête d’identité qui en vient à repousser les frontières de la réalité pour naviguer dans l’imaginaire, quitte évidemment peut- être à perdre pied.

Cet imaginaire c’est aussi celui de l’enfance, comment ne pas sourire en regardant Goliadkine juché sur une chaise, mimant une calèche.

Et cette idée de se débattre contre un double, elle est plutôt fascinante. Il s’agit de convoquer l’invisible pour en rire au lieu d’en avoir peur.

Une fable, un conte fantastique avec un personnage qui fait pitié mais attendrit parce qu’il se présente comme l’humilié, le laissé pour compte. Le conte est drôle parce que Dostoïevski se moque de Goliadkine mais en gros filigrane il y a cette question de la perte d’identité, de sa spoliation à moins que le héros soit vraiment double et que ce double qui lui vole sa place soit un autre lui même qui vient supplanter l’être froussard qu’il est pour devenir l’ambitieux et le gagnant qu’il a toujours désiré être.

Le charme qui se dégage de Goliadkine tel qu’il est interprété par Henri Gruvman permet de s’éloigner d’une vision beaucoup plus sombre du personnage. Craindre de perdre son identité, au profit d’un double qui sera l’opposé de soi-même ? Ouf !

Dostoïevski était en plein questionnement sur lui-même, son avenir d’écrivain, ses choix politiques. Comment ne pas penser que trois ans après avoir écrit le Double, il se retrouvait au bagne.

Bien évidemment Henri GRUVMAN est conscient de l’aspect tragique du roman mais il y puise aussi la grâce de l’imagination de sorte que ce Goliadkine qui devise pendant plus d’une heure avec le public dans la jolie petite scène de l’Epée de bois, nous avons envie de l’adopter comme un de nos doubles !

Evelyne Trân

Le 16 Juin 2025

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