LA DEMANDE EN MARIAGE et L’OURS
Tchekhov disait de ces deux pièces courtes qu’elles étaient des « plaisanteries ». C’est pourtant avec elles qu’il va connaître ses premiers triomphes. Dans La Demande en mariage et dans L’Ours, son talent d’humoriste explose avec une joie intense.
Rythme endiablé, situations cocasses, personnages au bord de la dinguerie : tous les ingrédients de la farce sont ici réunis, avec ce petit plus de l’âme russe qui nous entraîne toujours plus loin, aux confins de la folie, c’est-à-dire au cœur de nous-mêmes… Là où comique et tragique se rejoignent en une jouissive danse de vie !
Mise en scène Jean-Louis BENOÎT
Avec
Emeline BAYART, Jean-Paul FARRÉ et Luc TREMBLAIS
Costumes : Krystel HAMONIC – Assistant à la mise en scène : Antony COCHIN
Scénographie : Jean HAAS – Assistant scénographe : Bastien FORESTIER
Lumières : Alireza KISHIPOUR
Un coup de cœur et un coup de sang pour ses 2 valeureuses comédies qui nous rassurent sur la capacité de résilience de la nature humaine.
Ça se passe dans le milieu paysan au fin fond de la Russie mais ça pourrait aussi bien se passer en France dans nos belles campagnes. Ça sent le rustique voilà tout.
Tchekhov fin observateur met en scène des personnages qu’il a dû rencontrer dans la vie courante tant ils sonnent vrai et même épouvantablement vrai.
Des personnages capables de s’entretuer pour un bout de terrain, qui donneraient leur bénédiction à l’Harpagon de Molière.
Mais en même temps, ils sont touchants, tellement ils sont engoncés dans leurs obstinations au point d’ériger leur propre malheur.
C’est ainsi que la jeune femme interprétée par la pimpante Emeline BAYART risque tout simplement de mourir vieille fille parce qu’elle est prête à arracher les yeux d ‘un homme (dont elle ignore son projet de l’épouser) pour un titre de propriété dont elle n’a pas besoin. Et une autre femme qui refuse de faire le deuil d’un mari infidèle est sur le point de chasser un homme devenu fou amoureux d’elle.
C’est cocasse mais tellement réjouissant. Ces personnes qu’il ne faut surtout pas chatouiller question argent et bout de terrain, auraient-elles un peu de cœur malgré tout ?
Faut simplement le dénicher ce cœur-là. Le regard de Tchekhov reste bienveillant, il a choisi de faire rire sur ces gens qui s’enfoncent dans leurs malheurs, par bêtise ou aveuglement.
La mise en scène frôle le burlesque mais s’avère réaliste. Une chose est sûre, les meubles ont beaucoup de souci à se faire ! Quant à la distribution, elle est sublime, on se souviendra d’Emeline BAYART en vieille fille ou en jeune veuve qui rugit comme une lionne. Jean-Paul FARRE en créancier devenu subitement amoureux est tout simplement irrésistible. Et Luc TREMBLAIS qui campe un malheureux prétendant proche de l’apoplexie, dans La demande en mariage, est vraiment formidable.
Dans ces comédies de mœurs qui datent tout de même de la fin du 19ème siècle (1888) , nous en entendons, des vertes et des pas mûres sur la condition des femmes, la lourdeur des préjugés à leur égard et sur les difficultés des agriculteurs, l’humanité a t-elle donc évolué depuis ?
Vous avez refoulé vos colères ? Ce Tchekhov en folie est un spectacle à ne pas manquer. A l’instar de Freud, Tchekhov a bien compris qu’il importe de purger nos émotions et la colère en fait partie. Au théâtre, les coups de sang se transforment en éclats de rire. Et cela fait un bien fou !
Evelyne Trân
Le 2 Juin 2025
THEATRE AU VENT 