
Mise en scène et scénographie Sylvain Maurice
Avec Christophe Brault, Scali Delpeyrat et Élodie Gandy
Lumières Rodolphe Martin
Son Jean De Almeida
Costumes Amélie Hagnerel
Production Compagnie Titre Provisoire
Coproduction Théâtre Montansier – Versailles
Avec la participation artistique du jeune théâtre national, la compagnie Titre Provisoire est conventionnée par le ministère de la culture – drac Bretagne.
Il serait dommage de bouder la nouvelle mise en scène de la pièce de Nathalie SARRAUTE Pour un oui ou un pour un non actuellement au Lucernaire jusqu’au 16 mars 2025 parce qu’elle s’éloignerait quelque peu des intentions de l’auteure en pleine exploration des tropismes au moment de sa création en 1986.
Quatre décennies se sont écoulées et il faut imaginer que la réception de l’œuvre a pu évoluer. Mais qu’est-ce donc que ces fameux tropismes. Selon Nathalie Sarraute, le terme tropismes renvoie à des sentiments fugaces, brefs, intenses mais inexpliqués : phrases stéréotypées, conventions sociales. (Source Wikipédia).
Dans le cas de l’ami H2, le tropisme c’est une intonation de mépris qu’il a perçue dans une réponse de l’ami H1.
De la même façon que l’on peut s’émerveiller devant les jolis ongles vernis d’une jeune femme, l’on pourrait s’émerveiller du temps passé par deux amis pour en découdre avec leurs complexes ou leur mal être, réveillés inopportunément par une sensation de malaise qui brouillerait leur communication.
Mauvaises et bonnes pensées se chevauchent et s’il fallait balayer devant sa porte ou celle de ses proches combien de vilaines pensées nous interdiraient l’entrée. Donc il vaut mieux les taire, voire même les oublier.
Nonobstant le fait que le mot « merde » soit tabou, il est possible d’avancer que pour avancer, il faut parfois être fouille-merde. Dans la vie courante, qui a vraiment envie de s’appesantir sur l’inexprimable et les désagréables sensations qu’il a éprouvées dans la journée. D’ailleurs la plupart des individus sont dans leurs bulles et n’ont guère envie d’échanger avec leurs congénères dans les transports en commun, ils préfèrent se pencher sur leurs téléphones portables. Où vont donc se nicher alors les tropismes de Nathalie Sarraute ?
La pièce à la lecture se passe de mise en scène, les mots qui dansent sous les yeux en font office On a l’impression d’un jeu entre les deux amis lesquels se chercheraient des poux pour un oui ou pour un non et somme toute leur démarche est amusante. Comment prendre au sérieux une rupture entre deux amis dans ce contexte, pour un oui ou pour un non ?
Mais au-delà du jeu, c’est de sentiment qu’il est question, celui de l’amitié et c’est un enjeu vital. Si les deux amis s’agrippent aux mots, il doit bien y avoir une raison.
Dans la mise en scène de Sylvain Maurice, il est intéressant de ressentir combien les deux discoureurs sont physiques. Ils pourraient pratiquement mimer leurs paroles. C’est cette présence des personnages interprétés par Christophe BRAULT et Scali DELPEYRAT, impossible à percevoir à la lecture, qui est bouleversante. On les voit sortir de leurs gonds, blessés aussi bien dans leur amour propre qu’affectivement.
S’ils y mettent de la chair c’est qu’il en faut ! La substantifique moelle de la pièce de Nathalie Sarraute ne s’en porte pas plus mal !
Evelyne Trân
Le 28 Février 2025