Adaptation et mise en scène : Philippe Calvario
Avec : Zoé Adjani, Philippe Calvario, Mikaël Mittelstadt en alternance avec Pierre Hurel (les 9 et 23 janvier 2025) , Hameza El Omari, Delphine Rich, Christof Veillon
Collaboration artistique : Sophie Tellier
Scénographie : Roland Fontaine
Costumes : Aurore Popineau
Création musicale : Christian Kiappe
Création lumière : Christian Pinaud
Régie générale : Sébastien Alves
Administrateur de la cie : Daniel Rouland
Dramaturgie : Modestine Pelle
Résumé :
Le jeune Cœlio rêve de conquérir Marianne, épouse du juge Claudio. N’osant l’aborder, il tente d’abord d’utiliser l’implication de la vieille Ciuta, qui n’obtient rien de la jeune femme que l’affirmation de sa fidélité conjugale.
Cœlio se tourne vers un autre entremetteur, son ami Octave, bon-vivant et libertin et cousin du mari de Marianne, Claudio. Marianne reste indifférente à Cœlio, mais tombe amoureuse d’Octave ; elle lui dévoile son amour à mots couverts et lui fixe un rendez-vous. Octave, d’abord indécis, choisit la loyauté et envoie Cœlio au rendez-vous obtenu.
Cependant, Claudio soupçonne l’infidélité de sa femme et engage des spadassins pour tuer tout amant qui s’approcherait de la maison. Cœlio tombe dans le guet-apens et, mourant, peut croire à la trahison de son ami en entendant Marianne, trompée par l’obscurité, l’accueille du nom d’Octave. Octave, accablé, renonce à sa vie de plaisirs et repousse sèchement l’amour que lui déclare Marianne.
C’était avant tout me plonger dans cette écriture profonde et pleine de désirs contrariés qui m’a fasciné. Découvrez une nouvelle langue pleine de poésie qui pourrait sembler parfois abstraite, mais qui est en fait très organique. Les personnages, qui se débattent entre désirs fantasmés et désirs forcés, sont engagés dans une ronde troublante. Comme s’ils courraient tous vers le pire dans une sorte d’urgence, sans pourtant le vouloir.
Philippe Calvario, metteur en scène

1830, c’est la révolution de Juillet déclenchée par la politique réactionnaire de Charles X, le frère de Louis XVI et Louis XVIII. Un vent nouveau souffle sur les esprits, il y a de l’électricité dans l’air. Cela sent le soufre et la jeunesse y est particulièrement sensible.
Musset n’a que 20 ans en en 1830. Sa pièce La Nuit vénitienne représentée à l’Odéon en décembre 1830 est un échec. Deux ans plus tard, il récidive et écrit en deux semaines Les Caprices de Marianne mais cette pièce publiée dans la Revue des Deux mondes n’est alors destinée qu’à la lecture. Elle ne sera représentée qu’en 1851 à la Comédie Française après avoir été plusieurs fois remaniée pour ne pas heurter le public.
C’est évident, le jeune Musset aspire à un monde nouveau, il veut croire à l’amour mais pressent, disons-le vulgairement, que les dés sont pipés…
L’intrigue de sa pièce au fond est assez banale. Deux amis que leurs tempéraments opposent sont amoureux de la même femme qui devient un appât malgré elle. Et c’est ce dont se défend la belle Marianne.
Qu’on y songe, à cet obscur objet de désir qui se focalise sur Marianne qui n’a jamais encore connu l’amour.
La belle Marianne a-t-elle la liberté de dire oui ou non à l’homme qui la harcelle de sa flamme ou à celui qui au contraire voile son inclination à son égard.
Marianne veut se croire libre de ses sentiments alors qu’elle est vierge sentimentalement, son mariage ayant été arrangé avec un homme assis socialement mais âgé.
Les deux jeunes hommes Cœlio et Octave sont égoïstes, ils pensent à l’amour comme à quelque chose qui leur ai dû, le mari barbon agit de même.
Les caprices de Marianne ne sont pas des caprices. Par ses propos Marianne montre qu’elle se réveille femme et qu’elle n’entend pas se laisser faire. Il.ne lui suffit pas d’être flattée par les hommages sur sa beauté, elle entend s’affirmer.
Musset est tout à la fois Marianne, Octave et Cœlio. Une vérité de la Palisse pour créer ses personnages comment ne pas se mettre à leur place.
Mais évidemment en essayant de décrypter rationnellement cette malheureuse histoire d’amour, on échappe à la résonance cruelle des derniers mots d’Octave à Marianne tentée de lui avouer son amour : Je ne vous aime pas Marianne c’est Cœlio qui vous aimait.
Ces seuls mots » je ne vous aime pas » suffisent à blesser mortellement l’être éconduit.
Les poètes tels Musset, Apollinaire et tant d’autres utilisent leurs larmes pour écrire leurs meilleurs poèmes. Gageons que Marianne saura rebondir pour jouir de sa liberté.
Sous l’égide d’Éros et Thanatos la pièce de Musset est plus que moderne, elle a des accents universels, ceux de la jeunesse, de ses rêves de liberté et d’amour …
A travers le personnage de Marianne avant Aragon et Jean Ferrat, Alfred de Musset semble bien signifier que l’avenir de l’homme passe par la femme.
Philippe CALVARIO, interprète d’Octave signe une version plutôt soft des Caprices de Marianne qui privilégie le texte. De sorte que c’est la langue de Musset si fraiche dans la bouche de Marianne et Octave qui polarise toute l’attention.
Avec beaucoup de sensibilité, Zoé ADJANI exprime bien le désarroi et le trouble de Marianne confrontée à l’éclosion de ses sentiments et son charme irradie la représentation.
Les Caprices de Marianne, une tragi-comédie qui n’a pas fini d’ameuter les cœurs et l’esprit !
Evelyne Trân
Le 21 Février 2025