FAIRE SEMBLANT D’ÊTRE MOI écrit et interprété par Luce Mouchel au Théâtre La Flèche 77, rue de Charonne 75011 Paris du 11 Janvier au 6 Juin 2025 le vendredi à 21 H à partir de Mai.

J’aurais pu ne jamais exister, être tout le temps morte !

Les souvenirs au présent, de 5 à 18 ans, d’une future actrice, entre fin des 60’s et début des 80’s.
Le langage évolue avec le corps, la famille et les rencontres, au fil des espoirs, des déceptions, des deuils, des révélations…
Restée au plus proche de ses errances intérieures d’autrefois, la femme qui écrit en a gardé non seulement la mémoire, mais aussi l’écho palpitant en elle, le souffle vivant.

Compagnie Théâtre K

coproduction Les Rivières bleues

De & avec Luce Mouchel

Mise en scène Xavier Maurel

Collaboration artistique Pierre-Alain Chapuis

Création vidéo Véronique Caye

Chorégraphie Caroline Marcadé

Lumières Tom Bouchardon

Labellisé Rue du Conservatoire

Durée 1h15

Comment parler de ce voyage intime sinon en interrogeant l’émotion qu’il peut susciter. C’est une enfant que nous entendons pendant quasiment tout le spectacle. Plutôt que de spectacle, parlons plutôt d’une seule en scène d’une personne qui a besoin pour elle-même et pour les autres de témoigner de son parcours de vie qui l’a amenée à devenir comédienne.

Il y a le filtre de l’enfance, son innocence qui va à contre-courant de la voie délimitée des adultes d’où ce hiatus que Luce MOUCHEL exprime avec des oh, des ah, des hoquets, des onomatopées dissonantes qui font penser au cri de Munch ou à un point d exclamation venu emboutir un point d interrogation.

Décidément, l’enfant et l’adulte ne parlent pas la même langue.

Cette enfant qui parle a un côté sauve-qui-peut, elle est aussi porte bonheur malgré tout, malgré les drames, les non-dits, les silences et cette réalité  » Nul n’est prophète chez soi ».

Lulu s’est trouvée en dehors des murs d’une famille aimée, sans doute aimante mais guère à son écoute. Pour se trouver, il lui a fallu accepter la non reconnaissance de ses proches.

Comment leur expliquer que le théâtre fut sa bouée de sauvetage .

Un récit intense puisqu’il faut basculer dans l’enfance avec tout le décalage que cela implique avec notre perception d’adulte. Il y a toujours cet entrechoquement entre la voix de l’enfant et celle de l’adulte. Deux pays qui coexisteraient dans la même personne ? L’ enfant accouche d’une montagne, l’adulte. On appelle ce phénomène, la mue, l’adolescence, la puberté… Pourquoi est-ce si douloureux ?

Et si le théâtre permettait de faire glisser cette voix qui vient de très loin dans une autre peau, oui, une autre peau qui s’exagère. Comment ne pas penser à la petite sirène qui perd volontairement sa queue de poisson pour avoir des jambes.

C est vrai qu’elle souffre cette petite sirène mais elle ne se plaint pas.

C’est une petite sorcière après tout, elle est l’œil qui dérange . « Ne me regarde pas comme ça, ne pense pas si fort, fous moi la paix » dira l’autre, cet étranger; il faudrait toujours prendre la peine de l’apprivoiser dans sa tête parce qu’il craint, l’autre, il craint ! Il y a toutes ces portes qui grincent et qui gémissent dans les coulisses d’un être, d’un arbre, d’une chose.

Chouette, il y a le théâtre. Je vais pouvoir devenir cette chose qui dérange, la faire parler, lui ouvrir la porte, l’accueillir en somme sur scène et dire de cette chose, cet arbre, cet être, c’est mon personnage ?

Faire semblant d’être moi ou se prendre pour quelqu’un d’autre ou recevoir en boomerang cette remarque « Pour qui te prends tu ? »

Luce MOUCHEL a choisi la liberté d’être moi et elle n’est jamais plus elle-même qu’en étant comédienne . Artiste, c’est un métier qui vous donne des ailes, impossible dès lors de se contenter d’un moi rétréci, ce moi-là, il faut l’ouvrir aux autres, le sortir de sa gangue .

Je est un autre disait déjà Rimbaud, Luce MOUCHEL, à fleur de peau, est son écrin féminin authentique !

Evelyne Trân

Le 7 Février 2025

Article également publié sur le Monde Libertaire.fr

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