UNE SAISON DE MACHETTES. Récits recueillis par Jean HATZFELD – mise en scène de Dominique LURCEL – Du 25 Avril au 12 Mai 2024 du jeudi au samedi à 21 H, samedi et dimanche à 16 H 30 au Théâtre de l’Epée de Bois à la Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre 75012 PARIS.

Photo E.T.


Mise en scène
Dominique Lurcel
AvecCéline Bothorel, Maïa Laiter, Omar Mounir Alaoui, Tadié Tuéné
Musique et contrebasseYves Rousseau
LumièresPhilippe Lacombe
DécorsGérald Ascargorta, Jérôme Cochet
ProductionPasseurs de Mémoires

Le 7 avril dernier a eu lieu la journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsies au Rwanda, il y a 30 ans en 1994.

Pour mémoire entre avril et juillet 1994, 800 000 à 1 000 000 Tutsies ont été massacrés par les extrémistes Tutus. L’élément déclencheur, l’assassinat du Président rwandais le 6 avril 1994, provoqua un déchainement de violence aveugle, alimenté depuis des décennies (les 1er massacres datant de 1959) contre l’ethnie Tutsie désignée comme race inférieure.

Les récits d’une dizaine de tueurs recueillis par Jean HATZFELD dans « Une saison de machettes » fait l’objet d’un spectacle en ce moment à l’Epée de Bois.

Comment faire un spectacle d’un évènement atroce, le massacre de Tutsies dans l’indifférence internationale, à fortiori lorsqu’il s’agit de donner la parole aux bourreaux ?

Le metteur en scène Dominique LURCEL semble avoir trouvé la bonne distance pour rendre audible l’horreur par la voix même de ceux qui y ont participé.

Exit le sensationnel. Comme le souligne le metteur en scène, il y a un décalage entre l’acte et le dire. Les auditeurs plus que spectateurs dans la belle salle en pierre de l’épée de Bois, s’ils ne peuvent se représenter la réalité des massacres par l’image, peuvent être choqués par la crudité des récits où l’émotion ne passe plus, laissant la place à une sorte de ligne blanche comme si les tueurs ligotés par l’énormité de leurs actes avaient déposé leur conscience et ne pouvaient se regarder en face.

Ce que l’on comprend, c’est que la plupart ont massacré des Tutsies qui étaient auparavant leurs voisins comme s’ils étaient des animaux sauvages, et pour leur défense, déclarent avoir été enrôlés et avoir obéi à des ordres.  

Suffit-il d’appuyer sur un bouton (on pense au bouton d’une radio) pour enclencher un mouvement de masse d’une population contre une autre ? Suffit-il qu’un gouvernement décrète que les juifs doivent porter l’étoile jaune pour qu’en tant que citoyen l’on puisse s’éprouver complice par son silence de la Shoah ?

Il semble bien que les bourreaux étaient également victimes car ils ont été manipulés par des discours racistes si bien incrustés dans leurs cervelles que « les braves cultivateurs ou instituteurs » qu’il étaient se sont transformés en tueurs.

Lors d’un débat après la représentation du 27 avril 2024, l’historienne Annette BECKER a indiqué que les tueurs n’utilisaient pas que des machettes. Elles auraient été utilisées parce qu’elles coûtaient moins cher que les armes à feu. Les Africains ont été si souvent assimilés à des sauvages par les Blancs qu’il importe aussi de ne pas passer sous silence le fait que la machette renvoie à la primitivité supposée des rwandais. Dans ce cas, les nazis et les responsables du génocide arménien sont également primitifs.

Elle a précisé également que ce qui distingue le génocide d’une guerre c’est la volonté des belligérants de tuer d’abord les femmes pour éradiquer toute reproduction.

Deux comédiennes, deux comédiens, une contrebasse, un mur et quelques lumières s’exposent en public pour exprimer l’effroi face à la catastrophe d’un génocide.

Les victimes, les rescapés sont aussi là pour nous rappeler que cela n’arrive pas qu’aux autres. Impossible de les oublier quand la froideur des récits des tueurs vous glace le sang.

Le 2 mai 2024

Evelyne Trân

Article également publié dans LE MONDE LIBERTAIRE.FR

Bords de scène et rencontres
Le vendredi 26 avrilLaurent Larcher (La Croix/ auteur de Rwanda, ils parlent et de Papa, qu’est-ce qu’on a fait au Rwanda ?) -14 h 30 (représentation scolaire).

Le samedi 27 avrilAnnette Becker, historienne (les deux guerres mondiales, les violences de masse contre les civils, leurs mémoires et leurs oublis) – à l’issue de la représentation de 16 h 30.

Le dimanche 28 avrilStéphane Audoin-Rouzeau, historien (Première guerre mondiale et génocide des Tutsi) – à l’issue de la représentation de 16 h 30.

Le jeudi 2 maiPierre Lépidi (Grand reporter/ Le Monde). Auteur de Murabeho – à l’issue de la représentation de 21h.

Le vendredi 10 maiJean-François Dupaquier, historien du génocide des Tutsi – à l’issue de la représentation de 21h.

Le samedi 11 maiMaria Malagardis, journaliste (Libération), documentariste (Rwanda, vers l’apocalypse, actuellement sur F5) et romancière (Avant la nuit) – à l’issue de la représentation de 16 h 30.

Le Dimanche 12 maiCatherine Coquio, universitaire et historienne, études sur les génocides – à l’issue de la représentation de 16 h 30.

Représentations scolaires
Vendredi 26 avril à 14h30
Vendredi 03 mai à 14h30

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