
Photo Christophe Raynaud de Lage
Texte Jean Genet © Éditions Gallimard
Mise en scène Mathieu Touzé
Avec Yuming Hey, Elizabeth Mazev, Stéphanie Pasquet
et Thomas Dutay
Du plaisir vous en voulez, du plaisir vous en aurez avec ces Bonnes de Jean GENET, dans la mise en scène de Mathieu TOUZE, le nouveau co-directeur du Théâtre 14.
Les Bonnes de Jean GENET, mais c’est du classique ai-je pensé en choisissant ce spectacle. Mais à la sortie avec le retournement de quelques sens, contaminée par la folie des interprètes, j’ai pensé qu’elles avaient franchi le mur du temps par effraction certainement grâce à ce voleur de Jean GENET.
Elizabeth MAZEV et Stéphanie PASQUET collent si bien aux personnages qu’elles suscitent une empathie invraisemblable.
Une histoire d’enfermement nous dit dans sa note d’intention Mathieu TOUZE, visiblement marqué par l’expérience du confinement.
Des petites lionnes dans une cage ! En vérité, il n’y a pas un animal qui n’ait le goût de la liberté. Pour ma part, j’ai vu un chien s’arracher de ses chaines, il me donnait une leçon de liberté.
Pensez-vous que l’on puisse naître bonne, esclave ? Mais comment donc sortir de ce rôle, de cette place qui vous est assignée dans un jeu de l’oie, coquin de sort, sinon l’ai-je pensé plus haut, par effraction.
Les dire folles ; allons donc à peine ! Madame le serait tout autant sauf qu’elle n’y pense pas parce que la folie ce serait d’oublier qu’elle n’a en face d’elle que des bonnes, des outils, des employées mais sûrement pas des personnes.
C’est dans cet oubli là que le cœur de Claire et Solange va se nicher, dans ce trou qu’elles vont creuser avec obstination, qu’elles vont rebondir à partir de cette faille que représente Madame avec ses manies, sa méchanceté décortiquées par Claire qui rentre dans sa peau avec un malin plaisir.
Madame est absente et les souris dansent. Solange, la bonne la plus âgée se soumet à Claire qui enfile la robe de Madame. On apprend que son amant à cause d’une dénonciation mensongère de Solange est incarcéré.
Madame enfin apparait ; elle est interprétée par un fabuleux comédien Yuming HEY qui a défaut de la rendre sympathique séduira le public par son exubérance et ses toilettes tape à l’œil.
Cette pièce a tout l’apparat du suspense car on se prend au jeu de ces bonnes. Comment savoir si elles parlent pour de vrai ou pour de faux quand elles élaborent tout un scénario pour tuer Madame ? La frontière est si mince entre le vrai et le faux ! Jouent-elles ou ne jouent-elles pas ?
Il y a l’idée aussi d’être rattrapé par la réalité, cette réalité dont elles voulaient tordre le cou …jusqu’à s’étrangler elles-mêmes. Mais au moins, elles auront joué, elle se seront amusé, elles auront ri, chanté, dansé !
Au premier abord, le décor aux meubles tout en « sucre » peut agacer. Mais son aspect artificiel contraste avec celui des bonnes très nature. Ce côté sucre parle de Madame, il serait anodin s’il ne reflétait pas son inconsistance.
Mathieu TOUZE signe une mise en scène enlevée et intelligente. Oui, ces bonnes qui sortent de leurs gonds avec une énergie de tous les diables n’ont pas fini de nous émouvoir ! Un spectacle à ne pas manquer !
Le 1er Mars 2024
Evelyne Trân
Article publié également dans le Monde libertaire.fr https://www.monde-libertaire.fr/?articlen=7718&article=Le_brigadier_-_employe_de_theatre_-_et_les_employees_de_maison