LE JOURNAL D’UN FOU de Nikolaï Gogol – Adaptation et mise en scène de Ronan Rivière au Théâtre Lucernaire 53 Rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris du 18 octobre au 10 décembre 2023 du Mardi au Samedi à 21h, le Dimanche à 17h30.

L’équipe artistique

  • De Nikolaï Gogol
  • Adaptation et mise en scène Ronan Rivière
  • Avec Amélie Vignaux, Ronan Rivière et Olivier Mazal (piano)
  • Musique Sergueï prokofiev
  • Lumière Marc Augustin-Viguier
  • Décor Antoine Milian
  • Production Collectif Voix des Plumes
  • Soutiens Ville de Versaille, Mois Molière

C’est un fou iconoclaste qui attend le public de la salle du Paradis au Lucernaire. Il est vrai que Gogol n’avait que 25 ans lorsqu’il écrivit la nouvelle Le Journal d’un fou, probablement inspirée de sa propre expérience de médiocre employé dans un ministère.  

Le texte qui a la forme d’un monologue se prête généralement à un seul en scène. Cette fois-ci la nouvelle mise en scène de Ronan RIVIERE permet de s’affranchir du monologue grâce à l’introduction sur scène d’un personnage évoqué dans le journal, la servante du fou, Mavra et également grâce à la présence musicale de Prokoviev qui illustre joyeusement les délires ou les incohérences des propos du fou dénommé Poprichtchine.

La mise en scène de Ronan RIVIERE a une saveur toute particulière qui tient principalement à l’interprétation du comédien qui fait ressortir physiquement l’étrangeté ou l’originalité du personnage dont les mouvements du facies semblent découler naturellement de ses propos.

De fait l’agitation du personnage, sa nervosité s’accordent aux bizarreries de ses propos. Tout au cours de son récit, nous apprenons que ce dernier est un fonctionnaire, fort mal vu de sa hiérarchie, employé à tailler les plumes d’un gradé, tâche dont il s’enorgueillit. Laissé pour compte, il s’isole dans ses rêveries qui finissent par être hallucinatoires puisque suite à un transport amoureux, il entend des voix celles de deux chiennes…

Des individus tels que Poprichtchine ne se rencontreraient-ils qu’en littérature, voie royale des explorations psychiques ? Gogol ne manque pas de discernement pour exprimer les vagabondages d’une pensée qui déraille. Elle déraille certes mais par certains aspects, elle se révèle critique de la société pétersbourgeoise et elle témoigne d’un esprit exalté qui s’intéresse à beaucoup de choses, notamment à la politique.

Si Poprichtchine devient fou ne serait-ce pas aussi parce que la société dans laquelle il baigne est porteuse de folie.

Il y a folie et folie, celle dont est atteint Poprichtchine est plutôt douce, voir comique.

Et puis ce fou inspire la sympathie parce qu’il exprime des fantasmes, des désirs, des frustrations, somme toute très humains.

Grâce à un décor frugal qui consiste à un plancher penché en accordéon, l’attention du public peut se focaliser essentiellement sur les interprètes. Amélie Vignaux incarne avec belle énergie la pauvre servante stupéfiée par la folie de son maître. Quant à Ronan RIVIERE, il fait de ce fou, un être réellement fascinant.

Les partitions de Prokofiev alertes et souvent joyeuses joue le rôle d’un ruisseau musical qui relie ces deux mondes, celui de l’imaginaire et celui de la réalité qui en se frôlant s’étincellent.

Gogol donne la parole à un fou qui ne nous est pas si étranger. C’est le sentiment qui nous submerge à travers l’éclaboussante mise en scène de Ronan RIVIERE.

Le 13 novembre 2023

Evelyne Trân

N.B : Amélie VIGNAUX était l’invitée de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio libertaire 89.4 le samedi 4 novembre 2023, en podcast sur le site de Radio Libertaire.

N.B Article également publié sur le MONDE LIBERTAIRE.FR : https://www.monde-libertaire.fr/?articlen=7589&article=Fou_le_brigadier_?

Laisser un commentaire