ANDROMAQUE de Jean RACINE – Mise en scène de Jean-Yves BRIGNON à LA FOLIE THEATRE 6, rue de la Folie Méricourt 75011 PARIS du samedi 26 août au dimanche 12 novembre 2023, le jeudi à 19h30, samedi et dimanche à 18 h.

Avec Joël Abadie ou Jean A Deron

Augustin Guibert ou Benoit Guibert, Suzanne Legrand ou Claire Delmas, Emma Debroise ou Sophie Neveu Lumière : Vincent Lemoine Scénographie : Sevil Gregory Musique originale : Robinson Senpauroca Production : A Visage découvert Durée : 1h30 

Emma Debroise @ A Visage Découvert Philippe Vu

Les affres de la passion amoureuse ? On en parle dans les livres, figurez-vous ou à la télé dans des sitcoms tels que « Plus belle la vie » et j’en passe. Car j’ai un pincement au cœur à l’idée que plus personne ne prend le temps de lire. Bien sûr, j’exagère… Enfin, si vous ne lisez pas, allez donc au théâtre ! Et pourquoi pas, allez découvrir l’Andromaque de RACINE dans une mise en scène de Jean-Yves BRIGNON destinée à la jeunesse.

Racine avait 27 ans lorsqu’il a écrit cette tragédie et il se souciait de son public mondain. Son Andromaque est une reprise de l’histoire racontée par Virgile au 3ème chant de l’Eneide, une œuvre fort appréciée au XVII siècle. En concurrence avec Corneille, il crée des personnages humains plus qu’héroïques et c’est nouveau à l’époque ! Cette pièce lui a valu un triomphe.

C’est tout de même incroyable, Racine réussit, dans une langue en vers particulièrement soutenue à représenter la violence assassine et destructrice d’individus en proie à la folie amoureuse.

Ce thème est vieux comme le monde. Les amours contrariées, la jalousie, l’esprit de vengeance, il en est question dans nombre de romans célèbres : les Hauts de Hurlevent, Autant en emporte le vent, le Docteur Jivago ; aussi dans les tragédies de Shakespeare et hélas dans la rubrique du crime passionnel, la passion étant considérée comme une circonstance atténuante.  

A quoi assiste-t-on dans Andromaque sinon à une sorte de procès qui raconte comment une femme, Hermione a été amenée à préméditer le meurtre de son fiancé.  Evidemment, il ne s’agit pas d’un procès en justice mais d’un procès théâtral. C’est aux spectateurs de se faire juges en essayant de comprendre la criminelle en question.

L’intrique est relativement simple : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus lequel est tombé amoureux d’Andromaque, inconsolable veuve d’Hector et sa prisonnière. Hermione décide de tuer Pyrrhus pour empêcher son union avec Andromaque. Elle se sert d’Oreste pour ce faire, ce dernier devient fou lorsqu’il comprend qu’Hermione ne l’aimera jamais. Tout ce beau monde meurt à l’exception de la douce Andromaque qui devient reine.

Les faits n’expliquent rien. Ce qui est intéressant, c’est d’écouter les criminels, Hermione et Oreste s’exprimer.

Jean-Yves BRIGNON qui vient du monde de Shakespeare (en 2003, il crée Hamlet qui aura une longue tournée) et qui a été l’école de Peter BROOK opte pour un décor particulièrement sobre. Il incombe aux seuls interprètes d’occuper la scène et de faire jaillir la substantifique moelle de Racine. Il opère quelques coupes dans la pièce qui dure une heure 10 au lieu d’une heure 50 et il s’adresse à un public jeune.

Dans une première scène d’exposition, des comédiens.nes déboulent sur le plateau et se ruent sur une malle de costumes issus d’un vieux cirque qu’ils endossent avec avidité, tout excités à l’idée d’incarner les personnages d’Andromaque. Ils délimitent avec une guinde (pour ne pas dire corde, c’est interdit au théâtre) l’aire de jeu. Cette guinde représente la chaîne fatale qui lie les protagonistes entre eux.

Huit comédiens.nes jouent en alternance. Dans la distribution du 9 septembre 2023, Emma DEBROISE (Hermione) Benoit GUIBERT (Pyrrhus), Joël ABADIE (Oreste) et Claire DELMAS (Andromaque) nous ont paru tout à fait convaincants. Ils se donnent à fond, ils sortent leurs tripes et réussissent à faire entendre la belle langue de Racine. C’est spectaculaire et impressionnant.

Ceux qui se souviennent de représentations d’Andromaque beaucoup plus éthérées voire mystiques avec des interprètes quasiment statiques, pourraient être surpris par la vision d’Hermione déchainée.

Les personnages d’Hermione et d’Oreste sont tellement forts qu’ils méritent à mon avis le temps qui leur a été alloué par Racine.

Mais voilà, plus de trois siècles se sont écoulés, le public n’est plus le même. Gageons que celui qui se rendra à LA FOLIE THEATRE saura apprécier la séduisante langue de Racine, qui a l’audace de se faire entendre sur une scène à l’allure de ring où ses héros et héroïnes se débattent comme des lions en cage !

Le 28 septembre 2023

Evelyne Trân

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