
- Avec : Bérénice BOCCARA ou Lou LEFEVRE – Gaspard CUILLÉ ou Emmanuel GAURY – Benjamin ROMIEUX – Corinne ZARZAVATDJIAN – Patrick BETHBEDER – Maxime BENTÉGEAT ou Victor O’BYRNE – Jérôme GODGRAND
- Musique : Mathieu RANNOU
- Lumières : Dan IMBERT
- Costumes : Guenièvre LAFARGE
Le doux nom d’Eurydice cessera-t-il un jour d’évoquer l’amour impossible ? Cet amour qui peut hanter les rêves ou les cauchemars d’un homme ou d’une femme quelle que soit sa condition, qu’il ou elle soit riche ou pauvre, jeune ou âgée.
Jean ANOUILH dans cette pièce dite noire, revisite le mythe d’Orphée et Eurydice. C’est quelque peu l’esprit critique de l’auteur qui s’exprime par rapport à l’aura du mythe qui gommerait la réalité terre à terre du commun des mortels.
La langue d’ANOUILH, celle que parlent les deux héros Orphée et Eurydice est vive et poétique. Mais les deux personnages qui se rencontrent dans un bar de gare et tombent amoureux sont confrontés à des réalités triviales; ils sont tous les deux artistes, l’un doit se libérer de l’emprise de son père, l’autre échapper à celle de son producteur. S’ils touchent terre, c’est pour se révolter contre leur condition, leur entourage, leur famille qui les empêchent d’exprimer leur idéal que cristalliserait leur amour.
Ces jeunes rebelles sont juste humains mais ils donnent l’impression d’avoir trop de préoccupations existentielles pour être capables de s’abandonner à l’amour inconditionnel et l’on finit par se demander s’ils s’aiment vraiment.
La tragédie de l’amour impossible se transforme en comédie certes pittoresque mais laissant sur leur faim les esprits romantiques ou sentimentaux. Tant il est vrai qu’ANOUILH se défendait de tout sentimentalisme.
Si le personnage d’Eurydice qui a tout d’une Antigone est passionnant, ceux du beau-père et de la mère sont volontairement traités de façon caricaturale.
On ne s’ennuie donc pas dans cette pièce mais le contraste entre la force comique de certains protagonistes et la véhémence juvénile des deux héros crée une distance plutôt criante.
Cela dit, la mise en scène d’Emmanuel GAURY ne manque pas de charme, elle nous transporte dans l’univers d’ANOUILH à la fois feutré, radical et piquant. Elle est en accord avec le contexte de l’œuvre représentée pour la première fois au Théâtre de l’Atelier en 1942.
L’actrice, Bérénice BOCCARA dispose d’une belle présence et l’ensemble de la distribution est épatante.
Sans aucun doute, les amateurs et connaisseurs d’ANOUILH seront séduits.
Le 25 septembre 2023
Evelyne Trân