
ADAPTATION=Evelyne Loew
MISE EN SCÈNE : Gilles Nicolas et Sylvie Van Cleven
COLLABORATION À LA MISE EN SCÈNE : Pablo Dubott
LUMIÈRE & COLLABORATION À LA SCÈNOGRAPHIE : Lucie Joliot
CRÉATION SONORE : Philippe Mion
JEU=Sylvie Van Cleven
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A l’origine du roman de Jean-Luc SEIGLE, il y a un fait divers qui défrayé les chroniques et même fait l’objet d’un film de Henri Georges Clouzot, la Vérité avec Brigitte BARDOT.
L’histoire de Pauline DUBUISSON condamnée pour le meurtre de son amant, a marqué les esprits dans les années cinquante parce qu’elle fut la seule femme contre laquelle a été requise la peine de mort pour un crime passionnel.
Le procès fut retentissant. Elle fut exposée à la vindicte générale en raison de sa personnalité très libre et la misogynie des juges. Condamnée à la prison à perpétuité, elle fut libérée dans les années soixante pour bonne conduite. La sortie du film La Vérité de Clouzot la contraint à s’enfuir au Maroc où elle refait surface en tant que médecin à Essaouira mais une rupture amoureuse la conduira au suicide.
Difficile de cerner la personnalité de Pauline DUBUISSON qui a eu un destin particulièrement tragique. Pouvait-elle faire entendre sa version du crime dont elle était accusée à une époque où la misogynie était monnaie courante. Au cours de sa vie elle fit plusieurs tentatives de suicide. Amante d’un officier allemand, elle fut tondue à la libération et violée. Elle fut sauvée de justesse du peloton d’exécution par son père.
Disons-le d’emblée l’image que renvoie le personnage de Pauline DUBUISSON imaginé par Jean-Luc SEIGLE n’a rien à voir avec l’interprétation de Brigitte BARDOT trop artificielle pour rendre compte de sa complexité.
La femme qui parle dans Je vous écris dans le noir c’est celle qui assommée par les projecteurs de la grande ou petite histoire, tente désespérément d’exister, sans avoir à rendre des comptes sur sa manière d’être, sur son passé. Elle est libre dans sa tête et entière. C’est celle qui a le cran de raconter à ses amants les drames qui font d’elle à la fois une coupable et une victime, lors de l’épuration à la libération, lors du meurtre de son ex-fiancé (était-ce un accident, était-ce un crime prémédité ?) prenant le risque d’être éconduite et méprisée.
Elle n’est certainement pas un monstre. Elle est une femme qui a besoin d’aimer et être aimée et qui a eu le malheur de se croire libre face à un monde masculin hostile.
Il y a chez elle probablement une fragilité affective qui la poussera au désespoir alors même qu’à force de travail, de pugnacité, malgré les épreuves de la guerre et de la prison, elle réussira à devenir médecin.
Sans les artifices de la femme fatale, séductrice, y a-t-il encore une Pauline DUBUISSON ? Oui répond Sylvie VAN CLEVEN : Il y a quelque chose de Pauline DUBUISSON en chacune de nous.
Certes, elle a tué un homme « mais personne ne naît assassin » Dans cette pièce, il ne s’agit pas de refaire son procès.
La femme parle effectivement dans le noir. On voudrait penser qu’elle se relève d’un cauchemar, un film affreux où elle joue un rôle qu’elle n’a pas choisi, celui d’une jeune fille de 16 ans tondue à la libération, celui d’une criminelle puis d’une accusée devant subir les sarcasmes des juges.
Or, il y a beaucoup de fraicheur, de vivacité chez Pauline qui aime par-dessus tout écouter le chant des oiseaux. Elle est pétillante et on sent chez elle la recherche du bonheur. Cela ressort de l’interprétation de Sylvie VAN CLEVEN, qui n’est jamais pathétique, mais juste, sur le fil vraiment bouleversante.
Cette Pauline-là comment ne pas l’aimer. Ce n’est pas tant le personnage mythique, victime d’Eros et Thanatos qu’incarne Sylvie VAN CLEVEN mais l’être vulnérable et son organique désir d’aimer, authentique.
Dans son hamac suspendu entre ciel et terre, elle est ce corps offert aux vibrations de l’air, sensuel et toujours rêveur. Qu’il nous soit permis d’associer sa voix à celle du chant des oiseaux, libre et universel.
Le 13 septembre 2023
Evelyne Trân