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Il y a des correspondances qui font office de journal intime de journal de bord ou de chroniques familiales. C’est toujours avec un pincement au cœur que les destinataires, les amis ou les proches les parcourent car ils savent qu’ils pénètrent dans quelque jardin secret et ils peuvent avoir la sensation lorsque les auteurs.es ont disparu de les ressusciter seulement en les lisant.
C’est peut-être un détail mais la personne qui se livre dans les lettres qu’elle n’enverra pas à ses chers enfants mais conservera dans un cahier pour une lecture posthume, a été écrivaine dans sa jeunesse. Elle connait le poids des mots, elle sait moduler ses sentiments mais en vérité c’est à elle-même qu’elle s’adresse, car ses enfants brillent par leur absence et si elle ne parle pas d’abandon par pudeur, il est clair qu’en assumant sa solitude, elle entend témoigner de son existence quoiqu’il arrive, refusant ce statut de vieille dame, dans un monde à part.
Les lettres que nous lit Anny DUPEREY constituent les confessions d’une personne seule en fin de parcours qui n’a plus rien à perdre et peut donc se dévoiler en toute franchise, parler de la vie tout simplement, parler de ses coups de cœur, de ses rencontres , de son soutien aux émigrés, de ses désirs de femme, sachant qu’elle va saborder l’image d’une vieille dame bourgeoise, aisée, oisive dont on attendrait uniquement des confidences sur ses maladies ou des activités non rentables réservées aux séniors.
Non la vie ne s’arrête pas à ses chiffres fatidiques qui font de vous après 65 ans un ou une sénior.
Il n’y pas d’âge pour aimer, éprouver des désirs sexuels, s’engager dans des combats humanistes, en un mot vivre et se croire encore citoyenne d’un monde aussi imparfait soit-il.
Incarnée par Anny DUPEREY, l’auteure de ce bouquet de fleurs que représentent ces lettres qu’elle signe de ses sentiments du moment : Maman, rebelle, Maman impudique, Maman aimante, Maman nostalgique etc., se révèle pleine de vitalité, réactive et fantasque, terrienne avec ses antennes de bonheur et d’amour.
Il s’agit nous dit Jean MARBOEUF, l’auteur et le metteur en scène « à la fois d’un hymne d’amour et de désespoir… à la vie ».
Des jeunes seraient bien inspirés d’aller voir ce spectacle pour comprendre que ce qui semble séparer les êtres d’une génération à l’autre, ne fait pas forcément partie d’un passé révolu et encombrant.
Jeunes et vieux auraient tout intérêt pour s’enrichir mutuellement à communiquer davantage entre eux. Est-ce un vœu pieux ?
Anny DUPEREY avec une grande sensibilité, dans ce seule en scène exprime cet espoir. Qu’elle en soit remerciée !
Le 13 septembre 2023
Evelyne Trân