LES COEURS ANDALOUS de Estelle Andrea, D’après Carole Martinez du 7 au 29 juillet 2023 à 18 H. (Relâches les mardis : 11, 18, 25 juillet) à l’Espace Roseau Teinturiers 45 Rue des Teinturiers 84000 AVIGNON.

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Estelle AndreaMagali Paliès
  • Interprète(s) : Estelle Andrea, Magali Paliès, Karine Gonzalez, Cristóbal Corbel
  • Création lumière : Anne Gayan

« Nous sommes faits de l’étoffe dont sont tissés les songes » (Shakespeare, la Tempête)

En Andalousie, les femmes avant de mourir ont coutume de broder un cœur en tissu pour y enfouir des écrits secrets. Chaque fille aînée en hérite « avec l’interdiction de l’ouvrir, sinon malédiction ! ». Curieuse et cruelle coutume qui en dit long sur les interdits et secrets de famille qui à défaut d’être levés finissent par asphyxier la mémoire transgénérationnelle.

Il y a des douleurs, des émotions difficilement communicables. Faut-il les transmettre à sa descendance ou les garder pour soi ?

« Sommes-nous écrits par ceux qui nous ont précédés » se demande Carole MARTINEZ l’auteure des Roses fauves, un roman dont « l’épine dorsale » fait l’objet de l’adaptation théâtrale et musicale Les cœurs andalous d’Estelle ANDREA.

Opération à cœur ouvert mais non chirurgicale. S’acheminer vers les profondeurs, tenter l’exploration en invoquant son aïeule, c’est le choix de Lola qui décide de s’affranchir des lourds secrets de son histoire familiale d’autant qu’elle se sent coupée de ses origines. Elle porte en réalité le prénom de Dolores, transmis de génération en génération. Dolores signifie douleur.    

La transgression de l’interdit, en l’occurrence la levée d’un secret familial, nous en avons l’écho dans les tragédies grecques, celles de Sophocle, Euripide, Eschyle etc. De nos jours, elle peut emprunter le chemin de la fiction. Dans les cœurs andalous elle devient possible grâce au dialogue fictif entre Lola et l’aïeule que 4 générations séparent.

Les deux femmes qui se font face à face, chacune de leur côté sans se voir, s’expriment par le chant. Au centre de la scène, une danseuse de flamenco, Karine GONZALES virtuose, traduit leurs émotions. Discrètement, dans l’obscurité, Cristóbal CORBEL les accompagne à la guitare.

Les compositions d’Estelle ANDREA aux accents gitans et flamencos sont très sensuelles et chaudes. Sa voix très claire et celle de Magali PALIES plus grave remuent parce qu’elles semblent venir de très loin. Elles marquent à la fois les distances et les similitudes qui les rapprochent.

La puissance émotionnelle du flamenco recouvre dans les cœurs andalous, les tragédies qu’ont pu connaitre des femmes depuis des générations. Notamment les filles-mères abandonnées ou contraintes d’élever seules leur enfant à la suite du décès de leur amant.

Se peut-il que la flamenco puisse exprimer la douleur de l’enfantement ? De fait, dans cette histoire générationnelle, Lola est en train d’accoucher du secret d’une aïeule.

Le flamenco devient le porte flamme de destinées de femmes résistantes, fières et passionnées, dont Lola qui réussit à braver l’interdit.

« Nous sommes faites de l’étoffe dont sont tissés les sentiments » disent-elles dans ce spectacle musical bouleversant.

Le 23 juillet 2023

Evelyne Trân

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