L’île des esclaves de Marivaux du 7 au 29 juillet 2023 à 19 H 30 – Relâches : 11, 18, 25 juillet. Condition des soies 13 rue de la Croix 84000 AVIGNON.

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Christophe Lidon
  • Interprète(s) : Valérie Alane, Thomas Cousseau, Armand Eloi, Morgane Lombard, Vincent Lorimy
  • Adaptation : Michael Stampe
  • Textes additionnels : Valérie Alane
  • Lumières : Cyril Manetta
  • Costumes : Chouchane Abello
  • Musique : Cyril Giroux
  • Ass mise en sc : Mia Koumpan
  • Création : CADO Centre National Orléans Loiret
  • Prod : François Volard – Acte 2
  • Contact Pro : 06 64 54 42 15

Nous voici au 3ème millénaire et voilà que MARIVAUX, fort de son ancienneté, auréolé de sa réputation d’auteur classique, bercé par le siècle des lumières, nous fait signe.

Eh bien, soulignons-le d’emblée, ce qui ressort de la mise en scène de Christophe LIDON, c’est la modernité de sa pièce la plus courte (1 acte et 11 scènes) l’Ile des esclaves. Il est vrai que le terme modernité est aussi vieux que le monde !

Oui cette pièce nous parle sans doute parce que nous n’en aurons jamais fini avec la Commedia dell’arte, avec Molière et ces histoires de valets et maîtres ridicules et parce que les personnages ont cet avantage sur nous de ne pas mourir et de continuer à nous interpeller siècle après siècle au nom de la Comédie humaine.

Que penser de cette Ile aux esclaves sinon qu’elle est totalement utopique. Un maitre Iphicrate, une maitresse Euphrosine, deux esclaves, Arlequin et Cléanthis, victimes d’un coup du sort deviennent à la suite d’un naufrage les hôtes d’une Ile des esclaves dont le gouvernement représenté par Trivelin a pour mission de renverser les rôles entre esclaves et maitres et d’éduquer ces derniers coupables de comportements odieux.

Marivaux se demande ce qu’il adviendrait des uns et des autres s’ils échangeaient leurs rôles dans la société. Le dénominateur commun entre un dominé et son dominant ne peut être que leur origine humaine. Dans cette pièce ce sont les esclaves devenus maîtres qui se révèlent les plus humains parce que devenus libres, épouser les comportements de leurs maîtres déchus ne les intéresse pas. Par ailleurs, le repentir d’Iphicrate. et d’Euphrosine est trop conventionnel pour être convaincant.

En vérité, Marivaux déplace sur des rapports paternalistes entre valets et maîtres la question de la domination d’une classe sociale sur une autre.

« La différence des conditions n’est qu’une épreuve que les dieux font sur vous : je ne vous en dis pas davantage » (Trivolin scène 11)

Une conclusion de nature à faire bondir ceux qui rêvent de révolution sociale.   

Les quelques allusions à la république, la cité idéale selon Platon de cette pièce philosophique, sociale et humaniste ne passent pas inaperçues mais elles sont juste évoquées.

Il s’agit d’une comédie qui reprend les archétypes de la commedia dell’arte, tout en faisant passer les idées de liberté, de justice défendues notamment par Voltaire et Montesquieu. A noter que le personnage d’Arlequin qui jubile de pouvoir se moquer d’Iphicrate et celui de Cléanthis qui clame son indignation « Voilà de nos gens qui nous méprisent dans le monde, qui font les fiers, qui nous maltraitent, qui nous regardent comme des vers de terre, qui sont trop heureux dans l’occasion de nous trouver plus honnêtes qu’eux. » s’avèrent bien plus forts que ceux d’Iphicrate et Euphrosine.

Christophe LIDON s’aligne sur l’air du temps de Marivaux, voyant dans l’Ile des esclaves une comédie, voire une satire sociale mais assurément pas un pamphlet révolutionnaire.

Ce qui n’empêche pas le clin d’œil. Sont insérées dans la pièce avec habilité des scènes de dissension entre comédiens.nes et metteur en scène de façon à exprimer que les rapports de force entre dominés.es /dominants.tes sont toujours d’actualité.

On parle de théâtre dans le théâtre ou de mise en abyme. Quoiqu’il en soit, il en résulte une mise en scène très alerte avec une équipe de comédiens.nes vraiment épatante.

Petit bouchon de champagne qui pète que cette Ile des Esclaves en plein festival. Pour vous rafraichir les idées !

Le 21 juillet 2023

Evelyne Trân

N.B Cet article a également été publié dans LE MONDE LIBERTAIRE.FR

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