
Interprète(s) : Ana Meabe, Ana Martínez, Javier Renobales, Jokin Oregi, Anduriña Zurutuza
Si vous vous contentiez de regarder et si vous faisiez abstraction pendant 5 mn voire 10 mn de tout le bruit autour de vous, tout à coup vous basculeriez sur un autre mode perception, vertigineux cela va de soi.
Amour le spectacle que nous offre la Compagnie Marie de Jongh, une troupe de théâtre basque et espagnole dont les créations reposent sur la gestuelle sans aucun dialogue, entraîne le public dans un autre monde où la violence sonore est abolie.
Les artistes portent des masques singulièrement humains dont l’expression s’accorde à toutes les émotions. Ils sont si talentueux que chacun de leurs gestes créent l’illusion de la mobilité des masques.
Le synopsis est simple. Il parle tout simplement de la vie, de l’enfance à la vieillesse de 4 personnages qui jouent et rêvent ensemble, se disputent, forment des couples, se déchirent , se retrouvent, s’unissent et font la paix.
Enfance/vieillesse, jour/nuit, lumière obscurité, amour/fâcherie. Toutes ces oppositions sont bien banales mais elles nous raccordent à la dimension cosmique de notre présence au monde où tout parle de création, de la plus simple fleur à un concerto de Mozart.
On est ému parce qu’en une heure de temps, seulement concentré sur les mouvements des personnages, on a l’impression d’avoir fait le tour d’une vie, celle d’une famille, d’un lotissement.
On a des yeux qui pépient qui n’en peuvent plus d’épier tous les gestes de ces drôles d’humains. La vie sous le signe de l’émotion, de la plus discrète à la plus véhémente avec de la musique cependant (non la musique ne rime pas avec bruit) presque ironique ou placide, allez savoir, comme l’œil bienveillant d’une lune au soleil ou du soleil à la lune qui fait rebondir les notes joyeuses, vives et tendres de ces gosses-adultes que la vie étonne, étonnera toujours. Il est vrai qu’ils disposent d’une craie magique, celle de l’imagination et de l’amour.
Dîtes-vous que tous ces êtres ne s’adressent qu’à vous spectateurs, spectatrices, ils demandent juste que vous les observiez sans crainte, sans pudeur. Nous sommes au théâtre après tout. Ils nous disent « Profitez en, vous pouvez être voyeurs ou voyeuses sans scrupules, car nous n’avons rien à cacher, la vie nous parle comme elle parle aussi aux chats et aux fleurs comme vous voudrez … ».
Coup de cœur pour ce spectacle d’une délicatesse infinie. Du grand art !
Avignon, le 12 Juillet 2023
Evelyne Trân