LE HORLA de Guy de Maupassant – Adaptation de Frédéric Gray à La FOLIE MERICOURT – 6, rue de la Folie Méricourt 75011 PARIS – Du 10 novembre 2022 au 29 janvier 2023, les jeudis à 19h30, les samedis à 18h et les dimanches à 16h30. 

Mise en scène : Frédéric Gray assisté d’Olivier Troyon
Avec : Guillaume Blanchard et Olivier Troyon en alternance avec Frédéric Gray

Il est en chair et en os cet étrange personnage jailli d’une nouvelle de Maupassant « LE HORLA » justement célèbre. Le théâtre permet cela, l’aventure sur une scène d’un personnage en quête de lumière, d’écoute, et son message résonne comme une bouteille jetée à la mer de spectateurs non virtuels mais vivants.

La mise en scène et l’adaptation de Frédéric GRAY ne manquent ni de chair ni de fantaisie. Elles illuminent la noirceur de l’histoire d’un homme malheureux qui consigne dans son journal de bord le récit de son naufrage parce qu’il est hanté par la présence invisible et sournoise d’un parasite étranger.

Dans cette nouvelle fantastique, le narrateur qui reste lui-même un étranger pour le lecteur, se présente comme un homme « étonné » un poète en quelque sorte, qui s’enthousiasme devant les beautés de la nature, et qui est heureux de vivre. Mais les gens heureux n’ont pas d’histoire et voici cet homme frappé par un sentiment obscur, la mélancolie puis l’angoisse et finalement la peur voire la terreur.

A la lecture ce qui interpelle, c’est la solitude de cet homme et cela à tel point que nous pourrions imaginer que la présence du Horla n’est pas tombée du ciel, elle s’impose pour combler le vide affectif et moral qui accable sans qu’il puisse le définir le narrateur.

A cette époque, il n’y avait pas les réseaux sociaux, la radio et la télévision pour se distraire, juste la fée providentielle ou maudite de l’imagination et Moustaki ne chantait pas « Ma solitude ». Toutes les interprétations sont permises. Cette présence du Horla est-elle le fruit d’un fantasme, d’hallucinations, d’une matérialisation de son angoisse ?

La frontière n’est-elle point ténue entre le rêve et la réalité, la vie et la mort, la bonne santé mentale et la folie, entre l’invisible et le visible ? Ces questions visiblement sont au cœur des préoccupations de Maupassant – dont le frère a été interné en hôpital psychiatrique – qui a suivi les cours de Charcot. Par ailleurs, il est difficile de ne pas faire un rapprochement entre les pensées du narrateur de la nouvelle avec celles de Maupassant qui sombra lui-même dans la folie ou l’inconscience quelques années après sa publication en 1886 et en 1887 (Il y eut 2 versions).

Il n’est pas besoin d’être psychanalyste ou médecin pour être touché par la souffrance dont témoigne le personnage qui lutte contre un ennemi invisible. Grâce à l’interprétation poignante de Guillaume BLANCHARD, le spectateur éprouve de l’empathie pour ce fou, voire de la compassion. Et les personnages secondaires fort bien joués par Olivier TROYON détendent l’atmosphère.

La représentation de cadres suspendus comme des miroirs sans fond, fort éloquente, fait judicieusement appel à l’imagination du spectateur. Comme si le metteur en scène l’invitait à jouer à cache avec le fantasme du narrateur anonyme, à y croire sans y croire, car après tout l’invisible est là, il ne peut être confondu, il est juste tangible.

En résumé, voilà un spectacle bien trempé dans la plume de Maupassant où l’imagination agit comme une loupe lumineuse permettant de sortir des sentiers battus de la censure. Quiconque prendrait à sa charge les propos de cet anonyme serait pris pour un fou. Il y aura toujours des réponses convenues. Mais l’homme serait-il humain s’il n’était que raisonnable ?  

Article mis à jour le 4 Novembre 2022

Evelyne Trân

N.B : L’article a été publié également sur LE MONDE LIBERTAIRE.NET

https://www.monde-libertaire.fr/?article=Le_Brigadier_a_perdre_la_raison

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