Création 2018/2019 de la Compagnie MACHINE THEATRE – CRIME ET CHATIMENT d’après le roman de Fédor Dostoïevski – Traduit du russe par André Markowicz – Mise en scène de Nicolas OTON – A L’Archipel, scène nationale de Perpignan – Avenue Général Leclerc BP 90 327 – 66003 Perpignan cedex – Les 2, 3, 4 Octobre à 19 H, 5 et 6 Octobre à 20 H 30. Les 9, 10, 11 Octobre 2018 à 19 H – Accueil public et Billetterie : 04 68 62 62 00

Photo Marc GINOT

Distribution
Nicolas Oton mise en scène
Ludivine Bluche assistante
Avec :
Cyril Amiot, Ludivine Bluche, Frédéric Borie, Elodie Buisson, Brice Carayol, Charlotte Clamens, Laurent Dupuy, Franck Ferrara, Christelle Glize, Manuel Le Lièvre, Patrick Mollo, Alex Selmane, Alyzée Soudet
Scénographie Gérard Espinosa
Lumière Dominique Borrini
Son Alexandre Flory
Costumes Marie Delphin
Régie générale Mathieu Zabé
Régie lumière Claire Eloy
Production : Machine Théâtre
Coproduction
L’Archipel, scène nationale de Perpignan
Le Cratère, scène nationale d’Alès
Festival Le Printemps des comédiens, Montpellier

Représentations
L’Archipel, scène nationale de Perpignan, Le Carré
2, 3, 4 octobre 2018 à 19h / 5, 6 octobre à 20h30 / 9, 10, 11 octobre à 19h
Au Cratère, scène nationale d’Alès, Grande salle
16 et 17 octobre à 20h30, 18 octobre à 19h
ATP Lunel, Salle Georges Brassens
4 décembre 2018 à 20h30
Printemps des comédiens, festival juin 2019

La scène est obscure, juste un grand pont la traverse qui suggère l’ailleurs, les autres, la rue , la ville Saint Pétersbourg qui fulmine noyée dans la chaleur et la poisse. En contrebas, éclairé par un projecteur, il y a le lit de Raskolnikov, son drap blanc froissé, une tache de lumière avec ses relents de sueur, de fièvre, d’insomnies.

Raskolnikov sort de sa nuit, du cageot de sa cervelle encrassée par de mauvais rêves, d’une idée qui a germé dans sa tête et qui deviendra le motif de tout le roman, pour entrer dans une autre nuit, à la rencontre d’autres âmes empêtrées, prisonnières qui possèdent chacune leur version de l’enfer sur terre.

 Dans Crime et châtiment, c’est la descente aux enfers d’un jeune homme que décrit Dostoïevski, une descente d’autant plus impressionnante qu’elle semble inoculée par la pensée du héros lui même, qu’il ne se passe rien d’extraordinaire et que même le passage à l’acte, le crime de Raskolnikov semble avoir été commis dans un rêve éveillé.

Raskolnikov est un dormeur éveillé de la race d’Hamlet, l’instinct chez lui est érodé par la pensée qu’il imagine supérieure, susceptible de faire voler en éclats un sentiment insupportable d’oppression, d’indignité que lui renvoie dans toute « sa splendeur » l’usurière .

Y a t-il une raison d’être de la conscience, peut-elle s’affermir de ses propres raisonnements, de façon autarcique comme l’entend le jeune homme au moins sûr d’une chose, c’est que l’usurière ne mérite pas de vivre, qu’elle lui parait aussi nuisible qu’un pou.

Cette solitude d’une conscience qui tourne en rond parce qu’elle n’ a pas d’autres critères que son propre miroir, est totalement dans le déni d’une réalité compensatoire, sans concession.

Comment sortir de soi, d’une prison intérieure, une forteresse à vide qui grelotte de cauchemars, chauffée à blanc par sa propre fièvre, pour aller vers l’autre, qui n’aurait rien d’autre à offrir que sa propre misère.

Photo Marc GINOT

Pourtant un pont de solidarité va se construire de façon inespérée comme si seul un malheureux pouvait comprendre un malheureux. C’est Sonia, la jeune prostituée au coeur pur qui ouvrira ses bras à Raskolnikov, le criminel, et aussi la bienveillance du policier Porphyre qui permettra au jeune homme d’avouer son crime non par remord mais pour rejoindre la société humaine aussi désespérante soit-elle.

Dans la mise en scène, les ténèbres du héros, s’ouvrent sur une galerie de personnages qui interpellent le héros avec leurs récits de vie, tous édentés par la misère morale et matérielle, pour atteindre un point lumineux ultime celui de l’amour qui le submerge pour Sonia.

La scénographie d’une sombre beauté, tel un idéogramme chinois offrant la vision d’allées et venues d’humains sur un pont jeté au-dessus de la vie rampante de nécessiteux, fait écho à la misère de notre époque actuelle.

La différence néanmoins qui frappe c’est qu’au 19ème siècle, il n’était pas encore question de société de consommation. Force est de constater que les usuriers ont pignon sur rue, aujourd’hui de plus belle.

Dostoïevski donne la parole à des individus qui n’ont aucun pouvoir politique, des laissés pour compte, qui empoignent pourtant la vie à bras le corps, celle de la violence de leurs sentiments.

Dostoïevski  fonde toutes ses recherches sur les représentations que nous avons de l’homme de la pire à la meilleure, avec ce désir oppressant, impétueux d’échapper à la corruption des idées pour atteindre le cœur de l’homme.

L’adaptation théâtrale du roman, fidèle aux dialogues de Dostoïevski, permet d’appréhender, d’un seul coup d’œil,  la force étrange d’une épave dans un océan obscur, qui continue à envoyer des signaux désespérés, qui a voix humaine, chargée malgré tout d’espérance.

Nous saluons le talent du metteur en scène Nicolas Oton qui fait preuve d’une étonnante sobriété et pénétration pour exprimer sans effets superfétatoires, toute la fièvre de Crime et châtiment, véritable thriller psychologique, d’une modernité cinglante.

Nous saluons également la performance des comédiens et de toute l’équipe technique qui a fait honneur à l’immense plateau de la magnifique scène nationale de Perpignan, l’Archipel, créé par Jean Nouvel, et couvé comme il se doit par son Directeur Général Borja Sitjà.

Paris, le 5 Octobre 2018

Evelyne Trân

 

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