avec Anissa Aou, Ludivine Bah, Chirine Boussaha, Laurène Dulymbois, Dana Fiaque, Yasmina Ghemzi, Maurine Ilahiri, Anissa Kaki, Haby N’Diaye, Inès Zahoré assistante à la mise en scène Karima El Kharraze regard extérieur Mohamed El Khatib création vidéo Nicolas Clauss création lumière et régie générale Damien Klein création sonore Christophe Séchet chorégraphie Salia Sanou costumes Pascale Barré et Ahmed Madani coaching vocal Dominique Magloire et Roland Chammougom photographie François-Louis Athénas administration/production Naia Iratchet diffusion/développement Marie Pichon.
L’image me revient de ces porteuses d’eau africaines ou antillaises, qui avancent sans trébucher avec leurs fabuleux pots en terre hissés au-dessus de leurs têtes. Que peut bien dire cette eau qui remue entre ciel et terre avant de servir au quotidien, reprendre le cours de la vie organique.
Dans le spectacle d’Ahmed MADANI qui donne la parole à dix jeunes femmes issues de l’immigration, africaines, antillaises ou maghrébines, nous entendons cette eau qui bouillonne, s’agite, s’exprime. Elles sont porteuses de leurs propres histoires qui ne transpirent pas nécessairement dans la vie courante mais qui continuent à couler dans les veines contribuant à cet étonnement juvénile d’être en vie ici et maintenant.
Leurs histoires témoignent du fait qu’elles n’ont pas d’autre choix que celui d’avancer par respect pour cette eau qu’elles ont à charge de transmettre, distribuer, qui embrasse une mémoire universelle.Elles savent qu’elles font partie d’une minorité en France, qu’elles ne sont pas des françaises de souche, ce que certains discours politiques ne cessent insidieusement de leur rappeler et pourtant elles font bien partie du paysage de la France, une France qui n’a pas encore digéré l’histoire de la colonisation, de l’esclavage et qui aurait du mal à admettre qu’il est possible d’être français avec un faciès africain ou asiatique .
Elles ont besoin de s’affranchir aussi bien du regard passéiste de leurs parents et grands parents que du racisme ambiant pour défendre leur peau, leur moi d’aujourd’hui.
Cette position de lutte qui les dépasse, nous dépasse, force leur imagination, leur vitalité. Elles peuvent en effet tirer richesse de leur inconfort identitaire, en comprenant qu’elles font partie d’un monde en mutation, qu’elles en représentent un des maillons les plus vifs.
Il faut beaucoup de doigté pour différencier le moi intime du moi collectif. L’un ne va pas sans l’autre pourtant, ils s’enrichissent mutuellement. Pour mener ce projet extrêmement fort d’inviter sur une scène de théâtre des jeunes femmes qui ne sont pas comédiennes, à s’exprimer et réussir à les mettre en valeur tel un accoucheur d’âmes, Ahmed MADANI s’est laissé guider par un réel sentiment de reconnaissance à l’égard de leur jeunesse, leurs sensibilités, leur diversité, leurs contradictions aussi.
Les protagonistes ne s’expriment pas seulement en tant qu’individus issus de l’immigration mais en tant que jeunes femmes d’aujourd’hui simplement.
De façon très poétique, le vidéaste Nicolas CLAUSS oriente le regard du public vers la dimension organique du spectacle, l’eau et le feu qui battent dans le cœur de ces belles personnes.
Le terme de f(l)ammes qui les désignent symboliquement manifeste ce magnifique baptême sur scène de ces interprètes particulièrement douées, si heureuses de faire partager au public conquis, aussi bien leurs questions que leur joie de vivre .
Paris, le 27 Novembre 2016
mis à jour le 15 Novembre 2017 Évelyne Trân