Artistes : Frédérique Lazarini, Cédric Colas, Stéphane Douret, Marc-Henri Lamande, Elisa Menez, Kevin Dragaud, Michel Baladi, Pierre-Thomas Jourdan, Lydia Nicaud, Sandra Edmond, Melody Cremet, Thomas Ganidel, Mathieu Wilhelm, Bernard Menez
Metteur en scène : Henri Lazarini assisté de Marc-Henri LAMANDE
A la fin de sa vie, enfermé dans une maison de santé, Georges FEYDEAU, racontait qu’il parlait aux oiseaux. Il est très probable que FEYDEAU ait pu s’identifier à un oiseau qui se débattait piteusement dans une cage trop étroite à son goût. Toutes les humiliations, déconvenues et la poussière de résignation qui imprègnent nombre de ses personnages, résultent de situations qu’ils ne maitrisent pas, dans lesquelles ils sont englués, et dont ils ne décollent qu’en perdant des plumes.
Sa condition d’homme des lettres, il faut croire qu’il l’a imaginée à la faveur d’un papier volant qui a fait irruption dans sa cage et qu’il a vu s’aplatir au milieu de quelques fientes.
Evidemment, il serait farfelu de vouloir faire dire à FEYDEAU « Amélie c’est moi ».Il n’empêche que la situation de cette belle cocotte, s’apparente à celle d’une prisonnière, un bel objet sexuel décoratif, gage de plaisir et de confort physique mais en aucun cas susceptible de se fondre avec les barreaux tutélaires de la société dont fait partie le mariage.
Les hommes ont cette belle phrase « Occupe-toi d’Amélie » comme ils parleraient d’une perruche en cage. De cette désobligeance marquée, de ce fiel qui coule entre leurs dents, Feydeau va tirer une comédie où il dresse un portrait pitoyable de la gente masculine qui n’aurait que deux bourses à la place du cœur, le sexe et l’argent.
La lucidité de Feydeau lui permet de simuler l’ébranlement des barreaux, des mœurs de son époque, pour faire frémir les spectateurs, mais il ne les arrache pas, faute de quoi il n’y aurait plus d’édifice. Ce qu’il fait saigner ce sont les gencives d’une panoplie de personnages dont le fer de lance est la défense de leurs intérêts, ni plus, ni moins.
Au poulailler des pièces de Feydeau, il n’y a pas d’autre issue que le rire et avec le recul , plus d’un siècle après sa création, il faut reconnaitre que le vaudeville « Occupe-toi d’Amélie » est un poudrier incroyable. Que les jeunes auteurs aient l’idée de se tamponner les joues avec cette poudre hilarante, leur teint prendrait aussitôt des couleurs à faire pâlir notre vieille constitution toujours d’actualité.
A cet égard, nous avons bien ri en découvrant Marc Henri LAMANDE, qui fût récemment un fabuleux Céline, fardé comme un coq en pâte, affublé d’une cape rouge, symbolique carton rouge brandi lors d’un match de football, s’époumoner en brave Van Pulzeboum puis à tire d’ailes devenir le pianiste de Debussy.
Comme dans une sorte de farandole, intelligemment orchestrée par Henri LAZARINI, les comédiens se tiennent tous la main pour assurer à ce vaudeville une énergie euphorisante qui ne ménage pas les papilles, ni le regard grâce au décor de Pierre GILLES, librement inspiré de Georges BRAQUE.
A l’affiche, Bernard MENEZ en élégant beau-père, toujours mi-figue, mi-raisin, et Frédérique LAZARINI plus ingénue que rouée, ont de beaux jours devant eux. Est-ce donc que l’eau de rose continue à couler à flots dans nos rêves en dépit de quelques relents d’odeurs de litière ? Fichtre, FEYDEAU avait du flair !
Paris, le 24 Novembre 2013 Evelyne Trân