- Du 10 Septembre au 11 Septembre 2012 Les lundis et mardis à 21 H 30
Je viens de découvrir « la dernière bande « de Samuel Beckett au théâtre de l’Essaïon.et je dois dire que j’ai éprouvé le même choc qu’un visiteur dans un musée, saisi par la présence d’un portrait, ou d’un insolite regard débordant du cadre d’un tableau.
La dernière bande est une courte pièce de Beckett, destinée à l’origine à la radio. L’intrique est très simple, il s’agit d’un homme âgé, seul, qui papillonne avec ses souvenirs en jouant avec un miroir, un magnétophone capable d’enregistrer au passé et au présent ses états d’âme.
Cet homme face à ce miroir nous fait penser à un singe surpris par ses différents reflets. Il est étrange mais sa vérité nous éclabousse parce qu’il nous fait signe comme n’importe quel homme dans la rue, se parle à lui-même naturellement, sans se soucier des spectateurs.
C’est le privilège du théâtre de pouvoir faire entrer le spectateur dans la maison, donc dans l’intimité la plus secrète d’un individu.
C’est le privilège aussi du romancier de pouvoir promener le lecteur parmi les infinis détails, créatifs d’atmosphère.
« Qu’est que c’est que ce type ? » nous demandons nous en voyant une sorte de clochard tourner « en rond » dans sa piaule, de façon misérable parce qu’il ne tient pas debout, qu’il est presque cacochyme. Pendant un temps indéfini, le metteur en scène nous laisse observer son manège, sans qu’il dise un seul mot, et nous le suivons captivés par ses différents périples : allumer une lampe, glisser un livre sous une table branlante, fouiller dans des vieilles boîtes en fer cabossées ec…
Après on comprend, que tous les efforts démesurés de ce vieillard, n’ont qu’un seul but, celui de remettre la main et l’écoute sur l’enregistrement d’une page de sa vie.
En soi, c’est très banal. Nous sommes toujours en train de chercher quelque chose, si ce n’est pas un vieux peigne ou une adresse. Là, le bonhomme cherche dans son passé qui ne regarde que lui.
Mais voilà c’est magique parce que sa voix enregistrée, il y a quarante ans, résonne dans la pièce au présent. Et c’est un autre qui parle, un autre que le vieillard entend.
Vertige, oh profond vertige ! Nous éprouvons que cet autre dont la voix résonne froidement, le viellard s’y accroche comme au sortilège d’une parole, d’une émotion capable de le faire revenir à lui-même. L’on songe à ces vers de Fantaisie de «Gérard de Nerval :
« Il est un air, pour qui je donnerais, Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber. Un air très vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets! »
Non, cette pièce n’est pas sinistre ! Sa force comique, poétique et résistante, est vive grâce à l’intelligence du metteur en scène et de l’interprète qui arrivent à bousculer notre regard sur la vieillesse.
D’accord, il s’agit d’un homme délabré, boiteux, mais il vit ! Sa lutte avec son corps pourrait même faire penser à celle d’un homme préhistorique qui découvre le feu.
L’homme a cette innocence-là, géniale, d’aller puiser dans ses anciennes braises et l’émotion rejaillit du frottement entre le passé et le présent comme une allumette.
C’est une performance qu’accomplit Jean Pétrement, saisissant Monsieur KRAPP, aussi humain qu’un singe qui nous regarde !
Paris, le 27 Octobre 2012 Evelyne Trân
Fascinant ! coup de masse existentiel
Du grand Art : la rigueur du créateur au service de la liberté du spectateur , c’est puissant ! Pétrement doit jouer dans la cour des grands !! chapeau !Instant après instant il construit pour lui des sous textes émotionnels intenses et parfaitement ciblés. De l’ homme aimant-aimable -aimé, subsiste principalement la part animale. Comme s’ il avait passé sans retour la frontière séparant définitivement les 2 êtres que sont-l’homme et son bagage d’animalité et l’animal dépourvu d’humanité BRAVO
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Quelle performance d’acteur…ce monologue est d’une beauté, d’une poésie INCOMPARABLE. Se laisser bercer par les mots, la puissance de la mise en scène et la gestuelle de ce grand acteur fut un immense plaisir, une grande émotion! Merci à l’ESSAION de programmer de si belle pièce!
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Un texte, des mots, une écoute, des sons, une présence, une vie passée… Jean Pétrement incarne Krapp majestueusement. L’amour, la vieillesse, le fil que l’on tisse au long de notre vie, des thèmes qui nous paraissent présents à chaque instant. Dans cette pièce, on donne une autre couleur à des questions existentielles, à des ressentis universels. Une émotion et une profondeur qui vous renversent vous redonnent le gout des mots, chaque silence nourrit le spectateur. Un spectacle, une expérience, un hymne à la vie implicite … Merci…
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