Pour se remplir de bonne humeur en fourrant sous le lit tous nos mauvais sentiments, il suffit de se lever du pied droit comme Yaacobi, un beau matin en déclarant « Je suis le maître de ma vie ». C’est comme ça, les états d’âme, ça ne s’épluche pas comme des patates, ça tombe sous le sens « Eureka, j’ai décidé d’être heureux, eureka j’ai décidé de n’en faire qu’à ma tête ». Cela fait penser aussitôt à l’enseigne délavée du petit pavillon qui jouxte le théâtre de l’Epée de Bois, « Au fol espoir ».
Ce fol espoir, ce feu follet de la vie, éclaire les spectateurs ravis comme des enfants venant de découvrir une nouvelle pousse dans le jardin avec un orchestre d’arbres fruitiers : violoncelle, piano, clarinette et voix.
Car les personnages de cet auteur aussi attentionné qu’un entomologiste vis-à-vis de ses bestioles, sont de drôles de lézards agités, apeurés, très prosaïques en somme. Ils parlent du malheur comme d’une cuillère mal lavée, ils courent après leurs désirs comme à la chasse aux papillons ou à l’ennui, de sorte que cela suffit entièrement à leur train de vie, à la trame de leur existence. Et si, et si pour changer, racontent-ils en fin de piste, je faisais de la politique, je rentrais au couvent…
Avec Hanokh Levin, tout passe à la trappe : l’amour, l’amitié, la sincérité, le sexe. Le désir leur tient lieu de casquette et quand elle n’est plus ensoleillée, ça ne tourne plus rond dans leurs petites têtes, ils rempilent pour un autre tour avec des chansons désopilantes pour se tenir les côtes, et faire rire la galerie des musiciens, observateurs planqués dans les arbres.
Nous avons droit à des tableaux succulents : chambre nuptiale, terrasse de café, jusqu’à celui de l’homme, Leidental qui s’offre en cadeau de mariage. La vie, un jeu de farce et attrape, tout simplement. A partir de ce constat, le « tout est permis » braille comme un nouveau-né.
Notre sens de la bienséance en prend pour son grade, mais nous sommes au théâtre là où il est encore possible d’entendre un ange passer quand la belle Ruth dont l’estomac balance entre deux mâles, avoue « Je suis une salope ».
Voilà un spectacle complet pour les yeux, les oreilles et notre sens aussi de l’équilibre, car ne l’oublions pas la terre continue de tourner et si les chiens aboient après la lune, les hommes aboient après leurs rêves, en symbiose avec les musiciens, anges ou sorciers d’après Hanockh Levin.
Nous avons apprécié la scénographie très sobre et lumineuse qui permet à notre imaginaire et à celui des comédiens d’entrer en piste de façon époustouflante. Et nous avons envie de remercier la traductrice des pièces de Hanockh Levin, Laurence Sendrowicz, l’auteure des Cerises au Kirsch, les comédiens tous formidables, Raphaël Almosni, Jean-Yves Duparc, Emmanuelle Rozès, les musiciens transportés par la création musicale de Cyriaque Bellot : Lousie Chirinian (violoncelle), Alain Karpati (clarinette), Marc-Henri Lamande (piano) et bien entendu, Alain Batis, le metteur en scène, le maitre d’œuvre de ce spectacle enchanteur qui devrait faire le tour du monde !
Paris, le 9 Juin 2012 Evelyne Trân
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| Création musicale | Cyriaque Bellot |
| Scénographie | Sandrine Lamblin |
| Lumières | Jean-Louis Martineau |
| Costumes et maquillages | Jean-Bernard Scotto |
| Direction vocale | Mira Young |
| Régie tournée | Nicolas Gros et Emilie Tramier |